Le Prix Lire dans le noir 2013 : portrait d’un lecteur

Nous avons retrouvé Bruno Cléry sur le stand de Lire dans le noir au Festival VOX. Il est  adhérent à Lire dans le noir depuis peu et participe au Comité de lecture du Prix 2013. Bruno nous a parlé du rapport fort qu’il a à l’oralité. Un rapport qui l’a amené à la lecture à voix haute et au livre audio. Un rapport qui en fait un lecteur comme nous en avons rarement rencontré. Il nous a aussi conseillé des livres à emporter cet été.

Pouvez- vous vous présenter ?

J’ai 46 ans. Je fais de la lecture à haute voix depuis 1998 quand j’ai lu pour Sol En Si Guyane. Je suis ensuite parti pour le Canada, où j’étais lecteur bénévole pour l’Institut National Canadien pour les Aveugles. C’était une très bonne expérience parce que l’on travaillait avec des répétiteurs. Quand je suis arrivé en France en l’an 2000, je n’ai pas trouvé d’équivalent. On m’a proposé de lire de chez moi et d’envoyer mes enregistrements mais cela ne m’intéressait pas. J’aime lire pour quelqu’un.

Je ne sais pas ce qui m’a attiré dans la lecture à voix haute. C’est venu petit à petit.

J’ai toujours été porté vers les aveugles, peut être parce qu’un ami aveugle de mes grands parents me fascinait quand j’étais enfant. Il habitait dans un bagne désaffecté. On allait le voir une fois par an.  Il faisait de la radio CB et le soir on l’entendait parler avec des gens du monde entier.

Plus ça va plus j’aimerais travailler avec des non voyants. Je viens d’ailleurs de terminer un stage de lecture à voix haute. J’ai travaillé avec des enfants primo-arrivants. Cela m’a plu de leur faire découvrir la culture française au travers de simples lectures.  Cela fait dix ans que je suis animateur. Actuellement, je travaille pour la ville de Paris. J’aimerais faire évoluer mon occupation pour intégrer mon envie de lire à voix haute pour les enfants.

Comment avez-vous rencontré Lire dans le noir ?

J’ai rencontré Lire dans le noir grâce à Hélène Kudzia. Elle s’occupe du pôle Lire autrement à la médiathèque Marguerite Duras où j’emprunte des livres audio. Elle organise des après midi où elle fait découvrir des livres audio et dans le cadre d’un partenariat avec Lire dans le noir elle présente les lauréats du Prix. Un jour, j’ai assisté à un de ces événements. Hélène a engagé la conversation. Elle m’a proposé de rejoindre Lire dans le noir dont elle est adhérente. J’ai contacté l’association et j’ai décidé de participer au Comité de lecture du Prix Lire dans le noir 2013. Je lis les titres en compétition dans la catégorie Nouveautés. J’espère pouvoir rencontrer d’autres passionnés de livre audio et de lecture à voix haute.

Quel est votre rapport au livre audio ?

J’en écoute énormément.  Je ne sais pas trop d’où me vient ce besoin. Ma théorie c’est que petit, on ne m’a pas lu d’histoires et l’on ne m’en a pas raconté. Quand j’ai commencé à faire des lectures à voix haute et que j’ai vu les enfants émerveillés, j’ai réalisé que c’était peut être ça qui m’avait manqué. 

Je lis très peu de livres papier parce que je préfère écouter. Je pense que j’ai un rapport particulier à l’écoute. Ma mère est malentendante,  ça peut  l’expliquer en partie. Petit, je me faisais disputer parce que je laissais la radio allumée tout la nuit. J’ai besoin de m’endormir au son de quelqu’un qui parle. J’écoutais RFI parce qu’il y avait plein de débats. Ma fille de 9 ans est pareille.

Pour vous, qu’est ce qu’un bon livre audio ?

Ce qui compte pour moi c’est la voix, le lecteur ou la lectrice. Il m’est arrivé de passer à côté de grands livres parce que je n’aimais pas la voix. 

Beaucoup de lecteurs me plaisent, comme Emmanuel Dekoninck le lecteur de Millenium et de 1q84. Ou Eric Herson-Macarel qui lit tous les Harry Bosch . Il est tout simplement fabuleux. En lectrices, j’aime beaucoup Muranyi Kovacs, Véronique Groux de Mieri . Je viens aussi de découvrir Sara Forestier et  Carole Bouquet qui donnent une très belle interprétation dans le Confident, un livre en compétition pour le Prix.

Il faut aussi que le livre corresponde au lecteur. Dekoninck a lu Charly 9 de Jean Teulé qui raconte les derniers moments du règne de l’éphémère roi Charles IX, un sujet qui a priori ne me passionnait pas particulièrement. Pourtant,  par son interprétation, Dekoninck m’a emmené dans l’intimité de ce roi. Il a rendu le récit passionnant.

Parlez nous de votre participation au Comité de lecture.

Etre lecteur à voix haute influence la manière dont j’apprécie les livres audio. Je pense être plus exigeant.  Pour moi, l’histoire doit passer par la voix. Elle doit être vécue par le lecteur.

Je viens de terminer le Confident. C’est la première fois que je dois évaluer un livre. Depuis ce matin je me pose des questions sur la forme que prendra mon avis. Je trouve ce livre remarquable mais j’ai été gêné par l’auteur qui prend part à la lecture. Elle a une lecture moins incarnée que les trois comédiens, cela créé un décalage. C’est marrant parce que quand je lis, je me trouve les mêmes défauts. C’est mon seul bémol au sujet de ce livre qui encore une fois est remarquable.

Auriez-vous quelques livres à nous conseiller ?

Souvent, je choisis un livre par le lecteur, je ne regarde même pas le titre ou la quatrième de couverture. Cela m’a permis de découvrir  des livres vers lesquels je ne me serais, a priori, jamais tourné. C’est le cas de Rouge abattoir qui est très bien lu par Hélène Lausseur .

Un jour durant un voyage en voiture avec ma fille nous avons écouté un livre incroyable, il s’appelle Le royaume de Kensuké. L’interprétation de Thierry Hancisse est magique, il nous  donne l’impression d’avoir un film dans la tête. Pour moi, c’est important que nous partagions l’amour de la lecture à haute voix, maintenant je ne lui lis plus d’histoires, elle en écoute tout le temps.

Un autre livre remarquable, Vendetta de R.J. Ellory dont le scénario est diabolique. L’action se passe à la Nouvelle Orléans. Un tueur de la mafia d’origine cubaine kidnappe une jeune femme et exige comme seul rançon, qu’un inspecteur new yorkais soit impliqué dans l’enquête.

J’ai aussi adoré le Chant du grand Nord de Nicolas Vanier. Dans ce livre José Heuzé lit de manière très directe et sans fard.D’après ce que j’ai lu, c’est un livre qu’il dit ne pas avoir aimé enregistrer. Le résultat final est très bon selon moi. Ce livre parle de l’arrivée des blancs dans le grand nord canadien. C’est une magnifique aventure.

Je vous recommande aussi Les gens du Balto un livre savoureux de Faïza Guene, dont le scénario me fait penser à celui d’un film. Le tenancier du Balto s’est fait trucider. Chaque habitué du bar donne sa version des faits avec une gouaille toute banlieusarde.

Un dernier  livre enfin,  L’ombre du vent de Carlos Ruis Zafon. Un libraire emmène son fils dans le cimetière des livres oubliés et lui demande d’adopter un livre.

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