Arsène Lupin, l’intégrale
Lorsque John Mac de la Compagnie du savoir , nous a révélé son projet d’éditer l’Intégrale Arsène Lupin un peu plus tard en 2014 notre curiosité a été éveillée. Atypique et secret, le gentleman cambrioleur créé par Maurice Leblanc tient une place à part au panthéon des héros de la littérature française. Pouvoir découvrir l’ensemble de ses aventures à l’audio ouvre la joyeuse perspective d’embrasser le personnage dans toute sa complexité. Nous avons souhaité en apprendre un peu plus sur ce projet ambitieux.
Fin février, nous avons accompagné John Mac à Bagnolet au studio de Patrick Martinez-Bournat pour assister à l’enregistrement d’Éclat d’obus un roman de Maurice Leblanc où apparaît Arsène Lupin mais dont il n’est pas le protagoniste principal. Le comédien Philippe Colin incarne Arsène Lupin mais aussi l’ensemble des autres personnages de la saga. Les trois hommes nous ont parlé de l’aventure éditoriale dans laquelle ils ont plongé il y a maintenant dix ans.
LA SAGA LUPIN
Arsène Lupin apparaît dans de nombreux récits au fil du temps semble s’être tricotée une véritable saga, pourriez-vous nous parler de l’œuvre littéraire construite autour de ce personnage ?
Philippe Colin : Arsène Lupin est né en 1905. Ses aventures paraissaient d’abord sous forme de feuilleton dans les journaux puis en tant que roman. Déjà à l’époque, elles étaient traduites dans de nombreuses langues. Plus tard, il y a eu des adaptations au théâtre, à la télé et au cinéma. Il y a même eu une opérette Lupin banquier avec Jean Gabin.
Patrick Martinez-Bournat : Il existe une véritable cohérence dans l’œuvre.
Philippe Colin : Certaines personnes se sont même amusées à reconstituer la vie d’Arsène Lupin à partir des éléments présents dans les livres.
Patrick Martinez-Bournat : Au fil, des histoires, on sent que Leblanc se lasse d’Arséne Lupin mais les éditeurs ne l’entendaient pas de cette oreille. Il essaye de passer à d’autres héros mais qui bizarrement ressemblent psychologiquement à Arsène Lupin.
C’est amusant de le voir lutter contre son personnage, le maltraiter. Il essaye de s’en débarrasser, ne cite pas son nom, l’affuble de pseudonymes. D’ailleurs, Lupin meurt au début de l’Aiguille creuse, mais ce n’est que pour mieux revenir.
Quel est votre récit favori ?
John Mac :
Le Piège infernal, il y a un retournement de situation impressionnant.
Philippe Colin : J’hésite. L’Aiguille Creuse est intéressant psychologiquement avec la rivalité entre Beautrelet et Lupin. Il y a 813, où apparaissent les faiblesses de Lupin qui est à deux doigts de se suicider. C’est dans 813, qu’il a le meilleur ennemi. Ou encore une nouvelle incroyable, L’île aux trente cercueils, qui a un côté mystérieux et ésotérique. Une femme est prise au piège d’une malédiction. Il est prédit qu’elle doit terminer crucifiée au milieu de trente cercueils. Lupin n’arrive qu’à la toute fin pour la sauver. C’est une histoire très angoissante.
UN PERSONNAGE MODERNE
Créé il y a un siècle, le personnage d’Arsène Lupin est-il toujours d’actualité ?
Patrick Martinez-Bournat : Arsène Lupin est une figure contemporaine. Entre la fin du XIXè siecle et le début du XXè, il vit dans un monde en pleine mutation. Ceux qui ne s’y adaptent pas meurent. Lupin, lui, en est capable. Cette époque fait écho à la notre.
Philippe Colin : Arsène Lupin voudrait être un honnête homme mais il ne le peut pas. Il aime cette vie aventureuse. Il enfreint la loi, mais il le fait toujours pour le bien de quelqu’un. Il a conscience d’être hors de la société.
Patrick Martinez-Bournat : Il y a trois Lupin : le Lupin voleur, le Lupin sauveur et le Lupin enquêteur. C’est un personnage complexe et torturé.
La série avec George Descrières parle plus des années 70 que de l’époque dans laquelle sont censées s’inscrire les aventures de Lupin. C’est le Arsène Lupin des Trente glorieuses.
Philippe Colin : Lupin en 2014, ce ne serait plus la cape, le monocle et le haut de forme. Il enlèverait ces artifices, apparaîtrait un personnage plus intense, plus sombre.
Parlez-nous de votre Lupin.
Philippe Colin : Pour créer le personnage, j’ai fait abstraction de ce qui avait été fait auparavant. Je suis parti de l’œuvre littéraire qui est assez noir. J’ai essayé de faire transparaître ce côté lourd.
C’est une joie de vivre aussi longtemps avec Arsène Lupin, une expérience très intense. Lupin est aussi un comédien, il se déguise, il « entre en scène ». Cet aspect le rend intéressant à mes yeux.
ECLAT D’OBUS
Pouvez-vous nous parler d’Éclat d’obus, le roman que vous enregistrez aujourd’hui ?
Patrick Martinez-Bournat : Éclat d’obus est écrit en 1916 au cœur de la guerre. Le livre est très hostile aux allemands. Il est le témoignage d’une époque. Le récit est très sombre avec des gens qui se font fusillés. Dans Arsène Lupin il y a beaucoup de morts même s’il ne tue jamais. Je trouve que les romans sont beaucoup plus riches que l’image que l’on en a. Il reflète aussi l’emprise coloniale de la France au travers de l’un des personnages qui est très durement traité. Nous devrons d’ailleurs prévenir les lecteurs de cet aspect assez choquant du livre.
L’INTÉGRALE ARSÈNE LUPIN
Parlez-nous de l’intégrale qui paraîtra dans quelques mois.
Patrick Martinez-Bournat : L’intégrale regroupera16 romans et 32 nouvelles. Nous n’inclurons pas les inédits et les pièces de théâtre. Il faut être prudent quand on annonce une intégrale, il existe des puristes d’Arsène Lupin et notre vision d’une intégrale n’est peut être pas la leur.
Nous avions enregistré toutes les nouvelles et les premiers romans en 2009. Puis nous avons repris notre travail en juin 2013 pour le terminer. Nous proposons les textes dans leur version intégrale.
John Mac : Cette entreprise a commencé avant que les livres ne deviennent libres de droits. Nous avions signé un contrat avec Florence Leblanc, l’héritière de l’auteur, pour les premiers titres. Je dois admettre, que le fait que l’œuvre fasse maintenant partie du domaine public nous facilite les choses.
Patrick Martinez-Bournat : Florence Leblanc est plutôt bienveillante envers notre démarche. Les précédentes versions audio commençaient à dater et elles avaient vieilli.
Quelle forme prend votre transposition à l’audio des aventures de Arsène Lupin ?
Philippe Colin : Je travaille beaucoup les textes. J’attribue une voix à chaque personnage, il y en a parfois quarante ! Il faut s’assurer de la cohérence de la lecture. J’élimine aussi du texte les phrase qui ne sont pas pertinentes pour l’audio.
Patrick Martinez-Bournat : Il y a une mise en scène sonore. Nous prenons en compte les didascalies inscrites dans le texte.
Comment l’intégrale sera-t-elle commercialisée ?
John Mac : Toutes ces œuvres seront commercialisées de manière unitaire. Au final, il y aura un coffret de 144 heures.
L’intégrale sera distribuée dès juin en numérique, d’abord en exclusivité pendant quelques mois sur Amazon/Audible/itunes, qui ont fait une avance financière pour aider à la production, puis en septembre en librairie, et dans tous les canaux de vente traditionnels.
http://www.compagniedusavoir.com/