Audiolib, nouveau venu
Après Gallimard et sa collection « Ecoutez Lire » voici « Audiolib », nouvel éditeur de livres audio créé par Hachette, Albin Michel et France Loisirs. Les 12 premiers titres paraîtront mi-février. A l’occasion de ce lancement Valérie Levy-Soussan, directrice d’Audiolib, répond à nos questions.
Lire dans le noir : « Audiolib » est né de la réunion de trois « grands » de l’édition française : Hachette, Albin Michel et France Loisirs. Quels sont les principaux avantages d’une telle alliance?
Valérie Levy-Soussan : Cette union présente deux avantages considérables. Elle nous offre tout d’abord un réel apport en terme de contenu. Hachette, Albin Michel et France Loisirs sont trois groupes qui réunissent des éditeurs de qualité et peuvent ainsi fournir un approvisionnement fort en contenu. Par ailleurs Hachette a déjà une bonne expérience dans le domaine du livre audio.
Travailler avec des éditeurs qui ont déjà une place importante sur le marché permet également de bénéficier de certaines facilités de distribution. Il ne suffit pas de fabriquer de bons livres audio, il faut qu’ils soient disponibles et surtout visibles ! Hachette s’est déjà construit un réseau de distribution large et puissant. Avec France Loisirs, on a accès à un certain type de diffusion via le club, une distribution qui a déjà fait ses preuves.
En matière de diffusion, la clef de la stratégie c’est la place du livre audio en librairie. Ils devraient être classés au rayon livre, avec les ouvrages du même type, du même auteur. Les anglo-saxons ont très bien compris cet enjeu : ils rangent les livres audio dans un rayon spécifique mais aussi avec les ouvrages papier.
Malgré de nombreuses initiatives, la France semble toujours à la traîne sur le marché du livre audio. Comment expliquer et surtout rattraper ce retard ?
La France a souvent été plus lente à se développer dans plusieurs domaines : le micro-ondes, le haut débit… Pour le MP3 aussi on est arrivé un peu après les autres. Expliquer ce décalage est souvent hasardeux. Chaque pays a ses spécificités, ses barrières culturelles. On peut toujours dire que les Allemands sont de grands lecteurs, des mélomanes attentifs qui ont les oreilles aiguisées. Mais le développement du livre audio a été très récent là-bas aussi : Il y a 6 ans l’Allemagne était au même niveau que la France sur ce marché… ! De la même façon on dira qu’aux Etats-Unis il y a moins de lecteurs mais de plus grandes distances à parcourir, les gens sont plus souvent dans les transports…En définitive il faut la réunion d’un certain nombre de facteurs pour qu’un marché s’épanouisse. Et ce ne sont pas forcément les mêmes pour chaque pays.
Je pense qu’actuellement la France est prête pour le livre audio. Les gens ont désormais envie de pouvoir choisir ce qu’ils écoutent. Et les nouvelles technologies permettent une plus grande facilité d’écoute : le format MP3 est plus pratique, plus léger, moins coûteux. Et avec l’arrivée des baladeurs numériques la manipulation de ce format devient plus simple.
Mais selon moi, la meilleure façon de rattraper le retard, c’est d’offrir au livre audio une bonne diffusion. Et avant tout dans les rayons des librairies.
Avec l’avancée des nouvelles technologies, les habitudes de lecture sont en passe de se modifier. D’après vous, qui sont aujourd’hui les lecteurs de livres audio ?
Il y a quelques années le livre audio était encore réservé aux déficients visuels. Son prix étant plus élevé que celui du livre papier, on payait pour une particularité, une spécificité nécessaire. Puis sont arrivés de nouveaux lecteurs parmi les gens plus cultivés, l’offre étant encore assez limitée à des textes d’un haut niveau de lecture ou bien des documents historiques, philosophiques.
Désormais, avec l’arrivée du MP3 et la réduction des coûts de fabrication, une nouvelle clientèle plus jeune fait peu à peu son apparition. Ce sont des lecteurs qui téléchargent de plus en plus de policiers, des best-sellers. Il y a aussi des lecteurs entre 25 et 35 ans qui voyagent beaucoup en voiture, des jeunes parents qui écoutent des livres audio en famille… De nos jours de plus en plus de gens se tournent également vers la lecture audio car ils ont les yeux fatigués après une journée de bureau passée devant l’ordinateur. Les amateurs de littérature et de théâtre commencent aussi à se tourner vers les enregistrements : Ils redécouvrent des textes qu’ils ont aimé lire grâce à l’interprétation du comédien.
Certaines personnalités du théâtre ou du cinéma semblent contribuer à l’essor des ventes. Comment choisissez-vous les comédiens pour les enregistrements de vos ouvrages ?
Il existe des comédiens célèbres ou médiatisés qui servent forcément en marketing. C’est le cas de Fabrice Lucchini par exemple. Mais en ce qui le concerne, c’est plus une question d’interprétation particulière : sa version des Fables de la Fontaine permet de donner une nouvelle actualité à du contenu classique. Or certains textes ne demandent pas forcément ce type de lecture. Pour Amélie Nothomb, nous avons choisi Sylvie Testud car son rôle dans le film Stupeur et Tremblements [adapté du roman du même titre d’Amélie Nothomb] nous avait vraiment convaincus.
Cependant pour des textes très forts, on peut avoir envie de prendre un acteur moins connu dont le nom et le style de lecture seront plus discrets. Il n’est pas certain qu’un Depardieu réussirait à garder la distance nécessaire, à simplement mettre sa voix au service d’un texte en s’effaçant derrière lui. Et puis il existe un vrai talent de lecture orale. Certains comédiens sont capables d’interpréter une dizaine de voix différentes avec brio, sans que cela ne nuise à la compréhension. Mais ce n’est pas à la portée de tous.
Quel avenir pour le livre audio ?
Dans un futur proche, il faut réduire le temps de parution des nouveaux livres audio. Chez Audiolib, nous avons lancé le pari difficile de sortir certains titres presque en même temps que leur version « papier ». Pour le prochain Harlan Coben, le livre audio sera disponible juste une semaine après la sortie de l’ouvrage.
Dans ce sens, travailler avec des grands groupes comme Albin ou Hachette devient important. Mais ce n’est pas forcément plus simple et les négociations des contrats sont toujours extrêmement précises. Dans tous les cas il s’agit d’un long travail avec les éditeurs qu’on ne peut pas faire pour chaque ouvrage.
Aujourd’hui la notion d’avenir est liée aux avancées technologiques. Grâce au format MP3 nous avons pu baisser les prix et proposer plus de contenu sur un même CD. En revanche je pense que les lecteurs de livres audio ne sont pas encore tous très familiers avec le téléchargement. Il faudra encore un peu de temps avant que cela ne devienne une pratique courante. En Allemagne par exemple, le marché du livre audio représente 5% des ventes de livres. Parmi ces 5% on constate juste 10 ou 12% de ventes par téléchargement.
Quelles que soient les avancées technologiques, je pense que l’objet livre audio a encore de beaux jours devant lui. Il faut juste lui donner la place qu’il mérite et le faire exister avant tout en librairie.
Propos recueillis par Daphné Kauffmann
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