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Aux Etats-Unis, la grande dame du livre audio vient de s’éteindre

Il faudrait remercier avant toute chose la fabuleuse rubrique nécrologique  du New York Times. Elle est toujours très riche en histoires passionnantes. Ici, le vénérable journal américain annonce le décès, à 86 ans, de l’une des plus grandes lectrices de livres audio au monde : Flo Gibson. Un nom inconnu pour un lecteur français. Mais pour les Américains, il s’agit de LA grande dame des livres audio. Celle qui a lancé le « concept » dans les années 70, le popularisant, et surtout, lui donnant ses lettres de noblesse. Dans sa longue carrière, elle aura lu plus de mille livres, de Jane Austen à Shakespeare en passant par Melville. 

GibsonFlo Gibson a lu les ouvrages les plus longs et les plus denses de la littérature anglo-saxonne,  comme par exemple Middlemarch, roman célèbre de George Eliot. Cela lui a pris 31 heures et 7 minutes d’enregistrement ; elle a passé 9 semaines en studio ! Mais son record absolu, c’est Anna Karenine, de Tolstoi, où elle tient le micro pendant 36 heures. Sa voix, parfaite, grave et chaude évoque, selon le New York Times, « la voix d’une institutrice ferme mais qu’on aime bien ». C’est d’autant plus impressionnant qu’Anna Karénine était son 1001ème livre lu. Elle l’a enregistré à l’âge vénérable de 80 ans. Et jusqu’à la fin, sa voix est restée étonnamment claire et vigoureuse, une voix de « velours », « revigorante », selon le Washington Post. Son interprétation de tous les personnages de ses romans – hommes comme femmes – subjugue le Chicago Tribune, qui évoque un « chef d’oeuvre », où la narratrice « parvient à nous faire naviguer aisément dans les méandres de ces noms russes multisyllabiques ». 

Elle a commencé dans les années 70, une époque où les livres audio étaient inconnus partout, même aux États-Unis. Après des études de littérature et des cours de théâtre, elle anime quelques dramatiques pour la radio, mais son amour pour le texte lu la pousse à postuler au Congrès Américain, où elle produit des « livres qui parlent », à destination des aveugles. Puis elle fonde en 1983 Audio Book Contractors, premier vrai éditeur de livres audio aux États-Unis, chez qui on peut trouver tous ses ouvrages. C’est le début d’une très, très longue carrière de lectrice, dans laquelle Flo Gibson préparait très soigneusement ses rôles. Ainsi, pour lire les soeurs Brontë avait-elle étudié de très près le patois du Yorkshire.

La conception de la littérature de Flo Gibson n’était d’ailleurs pas tout à fait la même que celle du commun des mortels. Sa passion pour la lecture, qui confinait à l’obsession, l’amenait à reconsidérer le talent de certains auteurs en fonction de leur capacité à écrire pour être dits ! Ainsi, elle adorait Henry James, mais tempêtait régulièrement en studio contre ses phrases longues impossibles à séquencer : « Pourquoi ne mets-tu jamais de ponctuation ? Et pourquoi ne mets tu jamais de paragraphes ? » criait-elle. A la fin de sa vie, Flo Gibson était confrontée à un problème majeur : « J’ai lu tout Dickens, tout Austen, tout Trollope, et presque tout Henry James. Que vais-je faire maintenant ? » 

Son dernier audiolivre aura été Les Misérables. Elle en était à la moitié de l’enregistrement lorsque le cancer l’a tuée. Flo Gibson avait 86 ans.

Les textes lus de Flo Gibson chez Audiobook Contractors  


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