Comment jugez-vous un livre audio ? donnez-nous votre avis.
A quelques jours du deuxième prix Lire dans le noir, nous avons voulu réfléchir avec vous à cette question : comment juger un livre audio ? Pour un livre papier, on peut juger du style d’un livre, de la qualité de l’intrigue, ou la capacité de l’écrivain à peindre des personnages. Mais pour le livre audio, comment cela se passe t-il ? D’autres critères doivent être pris en compte : la voix des narrateurs, le ryhtme, l’habillage sonore… la forme compte-t-elle alors plus que le fond ?
Une initiative de l’association de lecture publique Sorbonne Sonore a attiré notre attention. Elle a lieu pendant le festival Livres en tête, organisé à Paris du 17 au 20 novembre par le collectif Les livreurs. Parmi divers événements autour de la lecture à voix haute, Livres en tête propose une « dégustation littéraire ». Un jury de « sommeliers sonores », composé d’Eric Naulleau, de Richard Cross, et de Félix Libris, est invité à juger de la qualité d’une sélection d’extraits audio, parmi lesquels quelques extraits en lice pour le prix Lire dans le noir. Devant un public, un peu façon Ca balance à Paris, ce jury va commenter, sans ambages et très librement, l’interprétation, l’habillage sonore, et la qualité générale d’une oeuvre audio.
Mais comment juger une oeuvre audio ? La juge-t-on différemment selon lorsqu’on est non-voyant ? Quels sont les critères les plus importants ? Nous avons posé la question à quelques membres du comité de lecture de Lire dans le noir. Leurs réponses sont éclairantes. N’hésitez pas à compléter avec les vôtres dans les commentaires de cet article !
LA FORME OU LE FOND ?
Tout dépend. Notons toutefois que les non-voyants ont tendance à davantage privilégier le fond, simplement parce que, comme le dit Sophie Massieu, membre de notre comité de lecture, « je lis un livre, avant tout. Je choisis un livre audio pour le titre, l’auteur, pour le livre quoi ! Je ne regarde pas l’interprète. Je regarde l’éditeur par contre, juste pour éviter celui que je ne supporte pas en raison d’habillages intempestifs ». Pour Catherine Kieffer, c’est un subtil mélange des deux. Pourtant, « inévitablement, la forme prend plus d’importance que pour un livre-papier dont les constituants sont plus limités (couverture, papier, police, mise en page, illustrations éventuelles et c’est à peu près tout). Pour un livre-audio, il y a la pochette et ce qu’il y a dessus (importants). Ainsi, la voix, la diction, l’interprétation (essentielle), la musique, les bruitages, la qualité technique, le chapitrage et les titres qui, même s’ils figurent (rarement) sur la pochette, manquent le plus souvent pour qui veut se repérer à l’oreille. » Nicole Hambourg, autre membre de notre comité de lecture, est catégorique : « Les deux sont indissociables ».
UNE VOIX JUGEE HORRIPILANTE PEUT-ELLE DECOURAGER LA LECTURE ?
Hélas, oui… Ou en tout cas, comme nous le dit Catherine, « ça gâche tout le plaisir. Exemple : il m’est physiquement impossible d’entendre certaines personnes à la radio. Je change illico de station… Tout livre audio lu par celles-ci serait donc un supplice pour moi ! » Même réaction épidermique chez Nicole, qui avoue, en bonne professionnelle, avoir tout de même écouté tous les livres audio du prix Lire dans le noir. « J’ai écouté jusqu’au bout, parce qu’il s’agissait du prix, un livre que j’aurais volontiers abandonné tant la voix de l’auteur était insupportable ». Mais pour les non-voyants, les choses sont bien différentes. Si une interprétation ne leur plaît pas, ils n’ont pas d’alternative. Ainsi, Sophie raconte prendre parfois son mal en patience : « Si jamais une interprétation m’irrite, j’essaie de m’y faire. Je n’ai pas le choix, si je veux lire le bouquin en question. Je ne peux pas recourir au livre papier. »
L’HABILLAGE SONORE DOIT-IL ETRE SOBRE ?
Quelle place pour l’habillage sonore dans un livre audio ? Il doit avant tout mettre en valeur un texte. Ni omniprésent ni inexistant, c’est un dosage subtil dont vous évaluez la pertinence. Sophie aime avant tout le texte, donc pour elle, la sobriété est de rigueur. « Je préfère, et de loin, les mises en son plus que discrètes. Les bons textes n’ont pas besoin de portes qui claquent et de téléphones qui sonnent. C’est dérangeant, ça coupe le fil, selon moi. Je lis pour lire, pas pour aller au ciné! »
« Sobriété = qualité !, renchérit Catherine. Sinon, ça devient vite ridicule. Il s’agit d’un texte, pas d’un spectacle. Un livre, écrit ou parlé, laisse place à l’imagination. C’est sa supériorité sur les images. Gardons-la. » Elle conserve la nostalgie du Petit Prince lu par Gérard Philippe : « Pour moi, le meilleur livre-audio ». A noter qu’en jeunesse on peut être plus indulgent, comme l’explique Danielle Gratecos : « Un habillage sonore plus important et bien choisi peut mettre agréablement en valeur un texte qui par ailleurs n’est pas très profond ou original ». Il est vrai que selon les âges, le livre audio jeunesse se rapproche parfois davantage du livre CD que du livre audio « classique ». On peut donc tolérer des habillages sonores très, très travaillés, comme le pratique par exemple la maison d’édition Le Sablier.
QUELLE IMPORTANCE POUR L’INTERPRETATION ?
Avec le livre audio, nous ne sommes plus dans le seul domaine de la littérature, mais bien celui du spectacle vivant. L’interprétation joue donc un rôle majeur, comme l’explique Catherine qui n’hésite pas à effectuer des rapprochements avec le cinéma: « Un film mal joué est mauvais, quelle que soit la qualité du script, de la photo et du reste. Une bonne interprétation peut faire passer un mauvais texte, mais pas l’inverse ». Elle enchaîne sur ce bel exemple, où elle raconte avoir redécouvert Proust grâce à une lecture d’André Dussolier. Ou comment la voix peut vous faire aller plus loin dans le texte… » J’ai écouté un texte de Proust que je ne connaissais pas, mais c’était du Proust parfait. J’aime Proust, mais il n’est pas toujours facile d’entrer dans ses textes, il y faut du temps… Lu par André Dussolier, c’était tout de suite du pur plaisir, c’était limpide, une véritable explication de texte sans y paraître. C’est ça, un bon audiolivre ! La voix et l’interprétation, qui sont , par définition, absentes du livre-papier. Il y a un livre que je n’ai pas réussi à lire (ce qui est tout à fait exceptionnel): Le Parfum : mais je suis sûre que, bien lu, je serais conquise. »
JUGER UN LIVRE AUDIO EST-IL PLUS SUBJECTIF QUE JUGER UN LIVRE PAPIER ?
Assurément, oui… L’écoute d’un livre audio engagerait davantage de sens que la lecture sur papier. Sophie : « Parce qu’on n’est pas tous sensibles aux mêmes voix, pas tous fans du même ton… ». Pour Danielle, « c’est plus la musique des mots que les mots eux-mêmes qui accrochent l’attention. » »Je pense qu’une part de subjectivité peut entrer en ligne de compte quand l’accompagnement sonore est réussi et quand la voix est en parfaite adéquation avec le texte ». On peut appeler cela un moment de grâce… Laissons le mot de la fin à Nicole, qui, une fois les critères évalués (voix, habillage, interprétation), avoue qu’il reste un « je ne sais quoi, en effet, qui est profondément subjectif. » Appelons ça un moment de grâce…
POUR EN SAVOIR PLUS
> Télécharger le programme de Livres en tête
Le samedi 20 novembre à 15 heures, retrouvez Lire dans le noir lors des dégustations littéraires. Pendant une heure, le jury va déguster des extraits de livres audio. Avec notamment, des extraits de la sélection du prix Lire dans le noir 2010.
Rendez-vous donc le 20 novembre à 15 heures à l’Institut Français de la Mode, Amphithéâtre Yves Saint-Laurent, 36 Quai d’Austerlitz. Paris 13ème – M° Austerlitz.
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