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Ecrivains et livres audio

 

Les écrivains écoutent-ils des livres audio ? Aimeraient-ils lire leurs propres textes ? 150 ans après l’invention du mythique « gueuloir de Flaubert », Lire dans le noir inaugure avec Maylis de Kerangal une série d’entretiens autour des textes lus à voix haute. 

 

 Maylis de Kerangal : « Je fixe mes textes à l’oreille » 

Maylis de KerangalMaylis de Kerangal est née au Havre en 1967. Elle est l’auteure de plusieurs romans aux éditions Verticales, dont Ni fleurs ni couronnes, publié en 2006, Corniche Kennedy, en 2008, et Naissance d’un pont, publié en 2010, couronné du prix Médicis. Dans ce roman, on suit pas à pas la construction d’un pont monumental dans une Californie fictive. Elle a voulu raconter l’histoire de ces hommes et femmes venus travailler sur ce chantier monumental, symbole du capitalisme du XXIème siècle. Avec un style à la fois précis, contemplatif, poétique, des phrases superbes et un regard humaniste, Maylis de Kerangal a réalisé un roman superbe, sorte de road book méditatif sur la puissance des hommes. Elle répond ici à nos questions. 


Ecoutez-vous des livres audio ?

Cela m’arrive mais très rarement. J’en possède peu, je n’ai pas le réflexe d’en acheter ou alors je le fais par curiosité, parce que je veux entendre la voix de l’auteur. Surtout j’ai du mal à créer la trouée de silence qui me permettrait d’écouter le texte, d’être concentrée — alors que je peux lire dans des endroits bruyants. J’ai un souvenir assez intense d’avoir roulé la nuit dans la campagne en écoutant Fairy queen et Le colonel des zouaves, de Cadiot.

Préférez-vous les entendre lus par des comédiens ou par les auteurs eux-mêmes ?  

Quand le texte est lu par l’écrivain, j’ai le sentiment qu’il me parvient quasiment sans filtre, il prend exactement la forme (modulation de la voix, ton, vitesse, intention) voulue par l’auteur, et c’est cela qui m’intéresse, ce côté brut, direct. C’est pourquoi je préfère entendre les écrivains lire leur texte, je suis davantage curieuse, intéressée : comment l’auteur incarne son propre texte. Quand un comédien lit un texte, ce qui m’intéresse, c’est l’inverse : comment il se l’approprie, comment il le détourne. Comment il en fait carrément autre chose. C’est dans cet écart que je suis surprise.

Relisez-vous vos propres textes à voix haute ? 

Oui, je relis à voix haute ce que j’ai écrit au terme de chaque séance de travail. J’ai besoin d’entendre comment le texte sonne, comment il se débrouille à l’oral. C’est une étape nécessaire inscrite depuis toujours dans mon travail, j’y règle la ponctuation du texte, sa respiration, je vérifie que sa logique interne s’entend. Je fixe le texte à l’oreille. 

Cela vous aide t-il dans l’élaboration d’un roman ?

Oui, je crois. Je travaille mieux le déploiement du texte, sa tension, son intensité, sa vitesse. Surtout le texte prend corps (au sens propre comme au sens figuré). Parfois, je me demande même si ce que j’écris n’est pas écrit ainsi pour être lu, si cette pratique n’induit pas chez moi une certaine forme d’écriture.

Aimez-vous entendre lire vos propres oeuvres ? 

Oui. Parce que j’ai alors la sensation que le texte n’est pas le mien, qu’il m’est étranger et alors vraiment, je le redécouvre. C’est étrange.

Aimez-vous lire à voix haute, devant un public, vos oeuvres ? 

Oui, j’aime donner des lectures publiques. Pas forcément de mes œuvres d’ailleurs : j’aime lire à voix haute les textes que j’aime 

Qu’est ce qui vous rebute dans une lecture ? 

Rien. 

Aimez-vous les lectures très mises en scène (avec de la musique, un chapitrage marqué, une interprétation très présente) ; ou des mises en scène plus sobres ? 

J’aime quand la mise en scène est minimale. Il peut y avoir du son ou des images — je l’ai parfois élaborée ainsi — mais je n’aime pas qu’elle soit théâtralisée, les intentions marquées, le surjeu. Et puis, je n’aime pas non plus que le texte soit lu trop lentement, qu’on le fasse sonner à outrance, qu’on le déclame sur un mode incantatoire — peu de textes peuvent le supporter. Il y a quelque chose de trop narcissique. J’aime la neutralité de l’intention et une certaine vitesse.

Aimeriez-vous que vos oeuvres soient adaptées en audiolivres ? 

Oui, cela me plairait. Mais je n’ai pas d’idées sur les interprètes possibles.

> Ecoutez Maylis de Kerangal lire Naissance d’un pont aux Correspondances de Manosque

 


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