Être donneur de voix « c’est un grand plaisir »
À la bibliothèque sonore de Quimper, 35 donneurs de voix enregistrent leurs lectures pour près de 400 personnes empêchées de lire par leur handicap. Pas moins de 3200 livres ont été enregistrés par des bénévoles, ce qui a permis 8000 prêts en 2015. En France, 115 bibliothèques sonores fonctionnent ainsi sur tout le territoire. Pour mieux comprendre leur activité et leur démarche, nous avons interrogé Soizic Haure, bénévole à la bibliothèque de Quimper qui a par ailleurs reçu en 2015 le prix du concours de la voix décerné par un jury d’audio-lecteurs. Interview.
Comment avez-vous découvert les bibliothèques sonores et les donneurs de voix ?
J’ai toujours était sensibilisée au handicap, c’est lié à mon histoire. Mon père était surveillant dans un hôpital psychiatrique, j’ai eu une voisine qui était sourde et dans mon entourage j’ai été amené à côtoyer des personnes ayant un handicap physique et mental. J’ai appris très jeune la langue des signes. Par ailleurs, ma tante était donneuse de voix, sur cassette, dans les années 1980, pour les personnes malvoyantes. Je l’avais un peu oublié, je ne savais pas qu’elle enregistrait ses lectures pour les personnes sourdes, mais je pense que ça m’a influencé. Maintenant l’éventail de bénéficiaires est beaucoup plus large qu’à l’époque, nos enregistrements sont destinés à toutes les personnes empêchées de lire, quelque soit leur handicap.
Comment avez-vous démarré les dons de voix ?
La bibliothèque sonore de Quimper est proche de chez moi. J’y suis allé pour découvrir leur action, puis j’ai tout de suite proposé de devenir donneur de temps. En attendant de recevoir ma formation de donneuse de voix, je contribuais à la réceptions des CD, à leur nettoyage, à leur rangement.
Ensuite, j’ai reçu une formation d’une demie-journée. Il faut apprendre la charte technique, qui permet à tous les audiolecteurs de se retrouver facilement dans tous les livres. Il y a la technique aussi à apprendre, on utilise des logiciels fournis par la Bibliothèque sonore, comme Audacity et MP3 Gain.
Combien de livres avez-vous enregistrés ?
J’en ai enregistré 26 en 28 mois. Le genre de livres est très variable, j’ai enregistré des livres pour adultes comme pour enfants, des romans, des livres policiers. Le temps d’enregistrement aussi c’est très variable. Pour enregistrer le livre Eragon, ça m’a pris 3 mois, parce qu’il y a 693 pages. En revanche, cette semaine, j’ai enregistré un livre jeunesse dont une enfant avait besoin pour l’école, ça m’a pris 3 jours, en comptant 5 à 6 heures d’enregistrement, pas plus sinon la voix fatigue. J’ai une activité professionnelle et je suis bénévole dans d’autres structures donc il faut jongler sur le temps libre. Quand on a envie, on trouve le temps qu’il faut mais c’est sûr qu’il faut s’organiser.
Est-ce plaisir de lire en s’enregistrant ?
Oui bien sûr, c’est un vrai plaisir. En plus, on se dit qu’on rend service à quelqu’un donc ça va. J’ai enregistré un livre de prière, quand j’ai su que dans nos audiolecteurs, il y a une sœur, je savais que ça allait lui faire plaisir. Et puis il y a 115 bibliothèques sonores en France, donc on sait que les enregistrements peuvent être transmis et donc écoutés par beaucoup de gens. Quand je suis allé à l’assemblée annuelle de l’association, j’ai pu rencontrer des audiolecteurs et comprendre ce qui les intéresse. J’ai aussi entendu un lecteur dire à un donneur de voix : « C’est vous qui avez enregistré ce livre, je reconnais votre voix, et bien merci à vous j’ai aimé votre lecture ». C’était un très beau moment.
Quels conseils pourriez-vous donner à une personne qui souhaite devenir donneuse ou donneur de voix ?
Il faut savoir que les trois quarts des personnes qui souhaitent devenir donneur de voix finissent par abandonner en cours de formation. Entre le premier mail que l’on vous envoie pour vous expliquer le processus, la formation d’une demie-journée, la petite phase de test et le premier livre de moins de 100 pages que l’on vous demande d’enregistrer, on sait que 3 personnes sur 4 abandonnent. Je pense qu’elles sont découragées par le temps à investir. La première chose c’est donc qu’il faut avoir le temps et se donner le temps. On se fixe pour objectif de ne jamais dépasser six mois pour enregistrer un livre, mais c’est vraiment un maximum. Je pense qu’il faut essayer d’enregistrer vraiment régulièrement sinon on perd en technique et en qualité de lecture.
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