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Libellus cesse ses activités

Pouvez-vous nous rappeler la ligne éditoriale de Libellus ?

Au départ, notre ligne éditoriale était de sortir en livre audio des oeuvres relevant de la science-fiction, du fantastique, de l’horreur, bref, relevant de « l’imaginaire ». C’est un genre littéraire dont nous étions nous-mêmes très férus. L’idée d’en faire plutôt des versions « audio » est venue après coup.

Pour nos premiers titres, nous n’avions pas souhaité faire du mp3, ce format n’étant pas forcément connu du grand public (à l’époque) ou du moins pas assez selon les dires que nous avions pu récoltés ici et là. Ce fut donc une contrainte car pour des livres de 300 pages, on avait au minimum 5 ou 6 CD et donc un prix bien plus élevé. Mais que nous avons malgré tout été prêts à payer… Pour nos 3 premiers titres, du moins… Le voyageur imprudent de Barjavel, Le monde perdu de Conan Doyle et H2G2, le guide du voyageur galactique de Douglas Adams ont donc été enregistrés au format audio et contiennent respectivement 5, 6 et 5 CD…

imageDepuis, nous sommes heureusement passés au mp3, qui nous permet de faire des romans plus longs pour un budget bien moindre…

Au niveau du choix des titres ou des auteurs, nous avions souhaité d’abord faire un auteur français, pas forcément étiqueté « SF ». Barjavel était un bon choix : beaucoup de gens le connaissent, et pas uniquement des férus de SF. C’est, à ce jour, notre titre qui se vend le mieux…
Conan Doyle et Lovecraft étaient également des choix pertinents : éminemment reconnus dans leurs domaines (policier et épouvante), ils étaient, de surcroit, tombés dans le domaine public ; ce qui nous arrangeait bien…

Avec H2G2, nous avons tenté un petit « coup de bluff », Douglas Adams étant surtout connu en Angleterre. Mais on nous avait laissé entendre qu’il y avait une vraie communauté « de la Serviette » en France. Cette communauté existe bel et bien mais ne contient hélas pas beaucoup de membres. Ce fut un relatif échec…

Avec La nuit des temps, on retrouve Barjavel pour l’un de ses meilleurs romans, avec Ravage.


Que retenez-vous de cette aventure dans le monde du livre audio ?

imageAvant toute chose, nous avons appris ce qu’était le livre audio. Avant de se lancer dans cette aventure, nul d’entre nous trois ne connaissions vraiment le livre audio. Bien sûr, on avait des souvenirs d’enfance et d’histoires racontées sur disque vinyle ou cassette mais rien de plus. Ce fut une véritable découverte et nous en sommes vraiment heureux ! Aujourd’hui, je sais que si j’ai un long trajet en voiture, celui-ci me paraitra moins long si j’écoute un livre audio, ce que je fais désormais assez souvent. J’ai même l’impression de mieux me souvenir des livres audio que j’ai écoutés que de certaines de mes lectures plus récentes !

Pourquoi cesser cette activité ?

Au début de l’aventure, nous nous étions basés sur des chiffres de vente de livres audio en Allemagne et en Angleterre où ce marché connaissait un véritable essor. Nous savions que cet essor viendrait avec quelques années de retard en France. Mais au bout de 6 ans et seulement 6 titres à notre actif, nous avons finalement compris que l’essor que nous espérions ne viendrait pas…
Malgré – ou à cause de – l’arrivée sur le marché d’Audiolib qui a, il est vrai, beaucoup dynamisé le secteur, nos ventes ont baissé de mois en mois. Les FNAC qui nous faisaient régulièrement des commandes se sont mis à nous oublier… Ainsi que les utilisateurs de livres audio… Les rayons de livres audio ont été réduits, parfois presque cachés en bas d’étagère, sans ordre ni cohérence. Pas étonnants qu’ils n’en vendent plus… Seules quelques librairies nous ont soutenus malgré tout.

Puis, en voyant les difficultés à vendre nos titres, nous avons tenté de mettre nos livres audio en stations service : l’idée était bonne car quoi de mieux pour les commerciaux toute la journée en voiture qu’écouter un livre audio ? Nous avons donc réussi à nous implanter dans quelques stations et à proposer non seulement nos titres, mais aussi ceux d’autres éditeurs afin de proposer un plus large choix.
Malgré des chiffres prometteurs, cette ressource aussi semble se tarir peu à peu. La faute aux difficultés rencontrées en ce moment par les gérants des stations (le prix de l’essence a fait chuter leurs volumes de ventes), à la difficulté à mettre en place les titres, les renouveler, obtenir des responsables les chiffres de vente de manière régulière… Un travail d’arrache-pied et de longue haleine qu’il est aujourd’hui difficile de continuer.

Vous sembliez vraiment dévoués –  je fais référence à vos affiches de « campagne » (cf photos) –  à la cause du livre audio, ne pensez-vous pas laisser une case vide dans le secteur ?
imageSi nous arrêtons, le marché de livre audio ne s’arrêtera pas pour autant : de très bons éditeurs continuent leur travail et le font bien. C’est vrai, en SF et en fantastique, il y aura sans doute un manque…

Nous avons toujours considéré le livre audio non pas comme un substitut au livre papier (ou numérique) mais comme un complément. Et c’est vrai qu’à chaque salon que nous avons fait, chaque personne à qui nous développions nos arguments de vente (« pour tous ceux qui n’aiment pas lire, qui n’ont pas le temps de lire, qui ne veulent pas lire… et ceux enfin qui ne PEUVENT pas lire, le livre audio est fait pour eux ») repartait souvent en se disant : « c’est vrai… Je pourrai très bien écouter Le Comte de Monté-Cristo en allant au boulot… De toutes façons, vu la taille du bouquin, je ne le lirai jamais, c’est sûr »…
Tous les gens que nous avons rencontrés se sont finalement dits intéressés par l’idée du livre audio. Le problème, c’est que nous ne devrions pas avoir à faire cet argumentaire ! Dans les salons, avant de vendre nos titres, nous devions déjà vendre l’idée du livre audio ! Vous n’imaginez pas l’énergie que ça demande.

La nuit des temps était-elle destinée à être votre révérence ou est-ce le fruit du hasard ?

C’est vrai que vu sous cet angle, le titre est assez… prémonitoire… Mais non, en fait, il n’a jamais été question d’arrêter au moment de faire ce roman. C’est juste que pour notre premier titre, au moment de choisir le roman de Barjavel, nous avions décidé de faire La nuit des temps mais comme je l’ai dit plus haut, nous devions le sortir au format audio, et La nuit des temps était sensiblement plus long que Le voyageur imprudent. D’après nos calculs, il aurait nécessité entre 7 et 8 CD, ce qui était impensable : il aurait coûté bien trop cher à la production, et, au final, nous aurions dû le vendre à un prix bien trop élevé.
Le voyageur imprudent était un bon compromis : c’est l’un des premiers romans où l’on évoque le voyage dans le temps et la notion de « paradoxe temporel » (si je tue mon aïeul, alors je n’existe pas, mais si je n’existe pas, alors je n’ai pas tué mon aïeul, donc j’existe, donc je tue mon aïeul, etc….).

Lorsque nous sommes passés au mp3, nous nous sommes affranchis de cette contrainte de la longueur du roman et comme Le voyageur imprudent a très bien marché, nous nous sommes dit qu’il fallait enfin qu’on sorte l’une des oeuvres maîtresses de Barjavel : La nuit des temps…

Comment s’est déroulé ce dernier enregistrement ?

L’enregistrement s’est très bien passé ; Aurélie a été formidable. Elle avait très bien travaillé son texte et, de par son expérience radiophonique, sa diction était tout de suite fluide et parfaite.
Je pense que je me souviendrai toujours de ce premier jour de session d’enregistrement, car c’est à l’heure du repas que nous avons tous été saisis par les premières images que nous voyions à la télévision dans le restaurant : ce jour du 11 mars 2011, le Tsunami dévastait le Japon et ravageait la centrale de Fukushima…

La fille nue au premier plan sur la jacquette est-elle une dernière bravade ?

La nuit des temps de BarjavelLa nuit des temps est un roman d’amour, un amour à la Roméo et Juliette, incroyablement fort et dramatique à la fois. Barjavel d’ailleurs ne tarit pas d’allusions et d’images assez suggestives. Nous les avons même presque encore plus décelées à l’écoute d’Aurélie qu’à la simple lecture du texte. Bref, pour ce roman, nous souhaitions une couverture qui tente d’ébaucher l’incroyable beauté, simple et presque surnaturelle, d’Eléa, la tragique héroïne du roman. Nous voulions une couverture qui invite à écouter cet incroyable récit. L’artiste Randis a fait le reste…

Que diriez-vous pour achever de nous convaincre de courir écouter votre dernière production ?

Comme pour les deux précédents titres (Les Montagnes Hallucinées et Graine d’Immortels), nous avons décidé de mettre une ambiance musicale. Il s’agissait de pouvoir rajouter, aux moments clés, une musique qui dise – comme le fait d’ailleurs la musique dans un film au cinéma – quelque chose de plus. Quelque chose qui va faire battre votre coeur plus vite, à l’unisson de celui de Païkan, vous faire trembler d’effroi lorsque Simon découvrira la bague ouverte et comprendra…
Benoît Seyrat, notre compositeur a fait un travail encore une fois remarquable !

Nous avions également décidé d’avoir deux lecteurs : la voix du narrateur, qui est en réalité Simon, mais qui est aussi, en quelque sorte, Eléa, car Eléa aussi raconte son histoire. Et c’est pour cela, pour cette histoire qu’Eléa raconte, que la voix d’Aurélie, douce et tragique aussi, était idéale.
Pour la douzaine de lettres de Simon égrénées tout au long du roman, nous avons fait appel à un comédien, Jérôme Frossard, dont le timbre était parfait pour exprimer toute la désillusion et toute l’horreur de la situation, de cette situation finale terrible renvoyant encore une fois à un autre drame d’un autre auteur, britannique celui-là…

Mais, écoutez-le, faites-vous votre idée. Lisez le livret intérieur… Chacun de nos titres est élaboré avec soin : le livret raconte l’histoire d’une équipe : l’équipe du roman, composé de l’auteur, du ou des lecteurs, du compositeur, du traducteur s’il y en a, et de l’illustrateur. Nous autres, de Libellus, nous ne faisons que rassembler tous ces talents pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Et je crois bien que nous y réussissons assez bien…

Propos recueillis par Marie Gallic


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