Rencontre avec Alexandre Stanké
En interviewant Alexandre Stanké, nous étions loin d’imaginer que nous allions rencontrer un vétéran du livre audio. Le canadien a publié son premier conte lu en 1995. Presque 20 ans plus tard, il n’a pas perdu sa passion. La maison d’édition qui porte son nom publie une trentaine d’ouvrages par an qui sont distribués dans l’ensemble des pays francophones. Découvrez son parcours et le regard qu’il porte sur l’édition de livres audio.
Les éditions Alexandre Stanké en quelques points :
* Crées en 1995 à Montréal,
* Distribuées dans les pays francophones,
* Une trentaine de titres publiés annuellement,
* Envoi de 500 à 900 livres vers la France chaque mois,
* Une collection importante de livres de développement personnel.
Une maison d ‘édition québécoise distribuée en France dès ses débuts
Comment êtes vous devenu éditeur de livres audio ?
J’ai édité mon premier livre audio en 1995. Je suis un compositeur de musique. Mon travail pour la télévision m’a donné l’opportunité de rencontrer de nombreux comédiens. Pour s’amuser nous avons enregistré une collection de livres lus pour les enfants. Notre premier titre, Le Petit Chaperon rouge est encore vendu aujourd’hui. La compagnie Coffragants était née. J’ai choisi ce nom parce qu’à l’époque j’avais inventé un format qui tenait dans la boîte à gant des voitures, un boîtier avec d’un côté un petit livre et de l’autre une cassette. Aujourd’hui Coffragants est une collection de la maison d’édition Alexandre Stanké.
Je travaillais avec des acteurs très connus comme Marina Orsini qui a joué dans la série Émilie la passion d’une vie. Leur notoriété a causé un effet boule de neige et nous avons vendu plus de 1,300 000 exemplaires de ces cassettes. Les restaurants McDonald’s en ont même distribué certaines.
Après ce succès, on m’a encouragé à éditer des livres lus pour adultes. En regardant le marché français, j’étais sceptique. J’ai alors eu l’idée d’éditer un titre qui était un succès en librairie à cette époque : Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus. J’ai du faire des pieds et des mains pour obtenir les droits qui coûtaient chers, mais finalement c’était un bon pari. J’ai continué en publiant La prophétie des ombres. Pour les droits j’ai du convaincre Warner aux États Unis. Ce livre a lui aussi été un succès. J’ai ensuite publié l’Alchimiste de Paulo Coelho , puis j’ai continué sur cette lancée.
Peut-on trouver vos livres en France ?
Ces premiers livres étaient distribués au Canada et en France. Dans votre pays, mes cassettes étaient disponibles partout, dont à la Fnac. J’ai aussi travaillé avec France Loisirs qui proposait mes livres. Plus tard, tout a changé avec l’arrivée d’Audiolib qui a commencé à publier des livres contemporains. Cela a réduit mon accès au marché français.
Chaque mois j’envoie 500 à 900 livres en France quand je distribue 1 300 livres au Québec. Par ailleurs j’édite aussi des livres audio en anglais. J’ai même enregistré Richard Gere !
Des choix éditoriaux basés sur l’expérience humaine
Pouvez vous nous présenter vos publications ?
Je publie beaucoup en développement personnel, en philosophie et en psychologie. Je trouve difficile d’avoir du succès avec des œuvres de fiction.
D’après vous, pourquoi les livres de développement personnel connaissent-ils un meilleur succès ?
C’est peut être parce que l’on réutilise ces livres audio. Un exemple, si j’achète un livre sur la confiance en soi. Je l’écouterai une fois et, peut être, qu’un an plus tard il me sera à nouveau utile. Par contre un roman vous l’écoutez une fois et, à la limite, vous pouvez le partager avec d’autres.
En outre, je pense que les gens sont attirés par des formats courts, or les romans ne sont pas faciles à couper. C’est la raison pour laquelle la majorité des livres audio que je propose sont des adaptations. J’estime qu’un livre ne doit pas durer plus de deux heures. Je viens de publier Ru, un roman de Kim Thuy, mais c’est exceptionnel.
Vous travaillez à Montréal ?
La majorité du temps je travaille dans mon studio à Montréal mais pour les titres enregistrés en France je travaille avec Livraphone.
Parfois, je me déplace chez les auteurs. Plusieurs des livres audio de Jacques Salomé ont été enregistrés chez lui en province et l’on peut y entendre les cigales. Christiane Singer m’a reçu dans son château en Autriche.
Je me promène avec du matériel portatif de très bonne qualité. Il permet de réaliser des enregistrements extraordinaires qui ont une couleur et une chaleur peu communes. Enregistrer hors du studio permet des rencontres exceptionnelles. Dans mon métier, c’est la rencontre avec les auteurs le plus beau.
Le marché du livre audio vu du Québec
Avec votre regard extérieur, comment jugez vous l’évolution du marché du livre audio en France ?
Ce qui marche au Canada ce sont les livres de développement personnel et en France on sort beaucoup de romans à l’audio. Pourtant, je ne suis pas persuadé que, même en France, il s’en vende tant que ça.
Et au Québec ?
Au Québec, les libraires commandent les romans lus en petite quantité, contrairement aux livres de développement personnel. Pour les romans, Québec Loisirs ne propose que des best-sellers.
Les Québécois connaissent le livre audio grâce aux comédiens qui y ont participé mais assez peu en écoutent. Les parts de marché sont similaires à la France, soit 0,5% du marche du livre,, alors qu’aux États Unis le livre audio constitue 10% du marché il me semble. Je constate que les sections livres audio sont plus importantes chez les canadiens anglophones, mais elles ne rivalisent pas avec celles rencontrées aux États Unis.
Vous qui avez connu la cassette, le CD et le téléchargement, qu’est ce qui a changé ?
Beaucoup de choses ont changé. Le téléchargement offre de nombreuses possibilités, mais l’on constate que la place donnée au livre audio en librairie est de moins en moins importante. On peut avoir des milliers et des milliers de pages internet proposant de télécharger des livres audio, mais en réalité le livre audio en tant que produit devient moins visible. En plus de cela, il est dur de se retrouver dans la masse des téléchargements disponibles. C’est pour ça qu’il faut publier de bons titres, qui sont mis en avant auprès des acheteurs.
Pourriez vous nous conseiller quelques livres ?
Il m’arrive de faire un livre parce que j’ai envie de porter son auteur. Ça a été le cas avec Christiane Singer. Jacques Salomé m’a prévenu de sa présence au Canada. Il m’a exhorté à la rencontrer. J’ai fait filmer la conférence qu’elle donnait qui a rencontré un immense succès. Elle a accepté que j’en publie la version audio. On en a vendu un nombre incroyable. Nous nous sommes liés d’amitié. Elle m’a demandé d’enregistrer Les sept nuits de la reine. Je ne savais pas si ce serait un succès, mais j’ai accepté rien que pour pouvoir passer quelques heures en sa compagnie. Ce livre a été enregistré dans son château en Autriche. Il m’est particulièrement cher. J’essaie de trouver des livres qui valent la peine d’être partagés.
Dans les livres plus récents, j’aime beaucoup Les Philo-fables de Michel Piquemal dont j’ai publié trois tomes. Le dernier, Les Philo-fables pour la terre, était enregistré avec Jean-Claude Carrière. J’adore Les sagesse et malices de Nasreddine de Jihad Darwiche. J’ai « attrapé » ce livre par hasard. J’ai beaucoup ri. C’est, pour moi, un grand bonheur que d’écouter ces blagues philosophiques et folles.
Propos recueillis par Pauline Briand
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