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Dégustez les livres

 

Comment juger un livre audio ? Nous nous posions tout récemment la question. Nous vous annoncions également la tenue, dans le cadre du festival Livres en tête, d’une dégustation littéraire. Elle s’est tenue pendant près de deux heures, un samedi après-midi, à l’Institut Français de la mode, non loin des berges de la Seine et du pont d’Austerlitz. Le jury, engagé et parfois vachard a adopté un ton un peu polémique : Felix Libris, Eric Naulleau, et Olivier Macé, assistés du programmateur littéraire du festival, l’écrivain Pierre Jourde.  

Degustation : le jury!

 

 

 

 

 

 

 

Le constat était simple : de la même façon qu’il existe une critique littéraire, cinématographique, ou théâtrale, il devrait y avoir une critique du livre audio. Dans un contexte où le marché du livre sonore se développe de plus en plus, ne faudrait-il pas former notre goût à ces nouveaux enjeux ? D’où l’idée d’organiser cette dégustation à l’aveugle dans laquelle nous nous sommes glissés pour vous en restituer quelques morceaux choisis.  Bonne écoute !

Notez Bien :Nous indiquons les références des textes lus, mais seulement en bas de page, pour vous laisser la surprise… Pas de triche ! Surtout, n’hésitez pas à commenter, à réagir, et à donner vos propres impressions !

play.gifEcouter le premier son 

Le premier commentaire fuse et fait éclater de rire tout le monde. Il nous vient d’Eric Naulleau : »C’est un texte qui a clairement un goût de banane ». Au delà des rires, la question de la sobriété de l’arrangement musical se pose. Eric Naulleau s’interroge sur sa pertinence : « J’ai été perturbé par le piano. Je préfère la nudité du texte ». Felix Libris fait remarquer, non sans humour : « Après tout, quand un soliste fait un récital au piano, personne ne vient lui demander : « Voulez-vous qu’on lise un texte derrière ? ».

Ecouter le deuxième son

Tout le monde semble d’accord. L’assistance pouffe, et les jugements sont sans appel. « Voilà une interprétation qui a peur du silence, peur de la voix seule aussi, et qui utilise la musique telle une béquille. Sans compter cette voix, cette façon de lire, qui veut absolument affirmer qu’elle lit pour des enfants. C’est sous ce prétexte qu’on s’accorde le droit de lire bêtement ». Eric Naulleau : « C’est l’imitation d’un ton qui n’existe pas dans la vie réelle. Et qui n’a probablement jamais existé ». « Sauf chez certaines infirmières ! » plaisante Pierre Jourde, au deuxième rang…

play.gif Ecouter le troisième son 

Tous sont séduits, d’une part, par la qualité du texte de Maupassant, « d’une vraie qualité patrimoniale ». Mais aussi par la finesse de l’interprétation de Michael Lonsdale (oh, je suis sûre que vous l’aviez reconnu, vous aussi). « Il comprend tellement ce qu’il lit, on sent qu’il va aller dans une histoire, et nous y emmener », s’émerveille Felix Libris. « Il y a une réelle impression d’intimité », ajoute Olivier Macé.

play.gif Ecouter le quatrième son

Hilarité générale. Ce qui ressort de ces gloussements, c’est que non seulement cet enregistrement combine musique, paroles et bruitages, et frise la cacophonie, mais en plus le ton utilisé pour représenter l’érotisme est totalement clichesque…

play.gif Ecouter le cinquième son 

« La fausse idée sympatoche typique. Un texte, ça ne se lit pas comme ça, et la cerise sur le gâteau, c’est Sheila… ». « On n’est pas très loin du délit culturel », prévient Eric Naulleau. Plus sérieusement, Felix Libris déplore que « les profs apprennent à lire sur ce ton. Si pendant huit heures par jour les enfants entendent ça, ils vont forcément lire comme ça… On ne leur apprend pas à vivre le texte, mais à le réciter. Pourquoi ne pas vraiment enseigner la lecture à voix haute ? » 

play.gif Ecouter le sixième son

« Une autre fausse bonne idée : la lecture faite par l’auteur lui-même. C’est une excellente idée marketing des éditeurs… mais là ça ne fonctionne pas », estime Felix Libris. Olivier Macé est tout à fait d’accord : « Pendant une heure c’est fatigant. Et elle oublie carrément de lire des lettres… »   

play.gif Ecouter le septième son 

C’est là que les débats sont intéressants, car pour une fois ils évoquent l’orientation de l’interprétation et non sa qualité. Enfin ! Vous reconnaîtrez peut-être le lecteur derrière cet extrait, d’ailleurs. Il fait partie de nos plus grands comédiens… En tout cas le jury est unanime : voilà une bonne lecture. « Il raconte, module, rebondit, suit », jette Olivier Macé. »Tout à fait honorable et convaincant » juge, bienveillant, Eric Naulleau. »J’ai plutôt un problème par rapport à la manière d’interpréter. C’est très bon, mais il se trompe, je crois, il passe à côté du texte. Comme lorqu’un pianiste joue du Chopin en virtuose, mais passe à côté de la musique. Mais de manière générale, je pose la question : tout auteur peut être lu à haute voix ? « 

play.gif Ecouter le huitième son   

Là, c’est simple, tout le monde pouffe. Cette fois à cause du texte lui-même. Si vous êtes fan de Marc Levy, ne lisez surtout pas ces lignes. On annonce une lecture du roman Le premier jour, de Marc Levy, et déjà les sourires sur les lèvres laissent augurer de futurs sarcasmes. Dès la première phrase, « Où commence l’aube? » c’est l’hilarité générale. « Là, le lecteur est meilleur que l’auteur ». Olivier Macé professe, sérieux : « Tous les auteurs ne se prêtent pas à l’exercice, là, ça ne m’intéresse pas ». Eric Naulleau tranche : « Où commence la daube? ». 

play.gif Ecouter le neuvième son.

C’est l’extrait d’un de nos ouvrages sélectionnés pour notre Prix Lire dans le noir (catégorie Documents). Et le jury est mitigé… Naulleau : « On est écrasés par le texte de Badinter, Buffet & Bontemps, tout ça… » Pour Felix Libris, le lecteur (personne n’a reconnu la voix de Charles Berling) aurait pu mieux lire ce texte : « On dirait qu’il ne l’a guère lu avant de le jouer, or c’est une phase essentielle. Il fait une faute technique, on dirait qu’il descend tout, et on dirait qu’il est train de découvrir le texte ».

play.gifEcouter le dixième son. 

Alors là, c’est l’unanimité. Et ce n’est pas parce que ce texte est lu par le président de notre jury, Daniel Pennac (que vous aurez reconnu !). Car le jury de la dégustation littéraire n’a, d’une part , pas reconnu l’auteur de Comme un roman. Et de toute façon, leur indépendance est totale. Mais quel enthousiasme ! Felix Libris : « C’est le meilleur texte. Il y a un bon rapport entre le texte et l’interprétation. La voix qu’utilise le lecteur a une bonne ambiguité : elle est légèrement nasale, elle correspond au texte, on est dedans tout de suite. On a une harmonie entre le style, le sujet et l’interprète. » Pour Olivier Macé, c’est tout simplement un « excellent lecteur ». Pour Felix Libris, Pennac est de la même trempe qu’un Denis Lavant, ou un Denis Podalydès. N’en jetez plus…

 

ET LE JURY ?

Mais qui est Pierre Jourde ? 

Mais qui est Felix Libris ? 

Mais qui est Olivier Macé ?  

Mais qui est Eric Naulleau ?  

 

Les textes lus :

Numéro 1  Nietzsche,lu par Alain Carré.

Numéro 2  La ballade du petit elfe, d’Andersen. Extrait téléchargeable sur litteratureaudio.com. 

Numéro 3 Le Horla, de Maupassant, lu par Michael Lonsdale

Numéro 4 Texte érotique sélectionné sur France Inter.

Numéro 5 : Prévert lu par une classe.

Numéro 6 Françoise Sagan, Avec mon meilleur souvenir. Lu par l’auteur (Editions des Femmes). 

Numéro 7 A la recherche du temps perdu, lu par André Dussolier. 

Numéro 8 Incipit de Le Premier Jour, de Marc Levy. (Audiolib). 

Numéro 9 L’exécution, de Robert Badinter, lu par Charles Berling. (Audiolib). 

 


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