Livre audio adulte
Pierre Rabhi, Le fertile
Auteur : sélection d'entretiens sur radio france
Editeur : Textuel
Connaissez-vous Pierre Rabhi ? Non ? Et bien sachez que cet homme plein de sagesse a tenté de se présenter aux élections présidentielles de 2002 mais il n’a obtenu que 287 signature sur les 500 ouvrant le droit à la candidature… Cela ne l’empêche pas de répandre la bonne parole partout où il passe. Mieux, Pierre Rabhi ne se contente pas de parler, il fait ce qu’il dit ! Imaginez donc la valeur d’un livre audio sur lequel serait gravé ses mots d’ordre… Textuel et les éditions INA l’ont fait ! Pierre Rabhi, Le Fertile expose, via des extraits de trois émissions diffusées sur Radio France la pensée de ce défenseur (voire créateur) de l’.
LA DOUCE VOIX DE LA SAGESSE
Ce qui frappe d’emblée à l’écoute des entretiens avec Pierre Rabhi, c’est sa voix douce et posée. Il ne hausse jamais le ton et livre un message, pourtant alarmiste, comme s’il racontait une histoire. Il a la voix, malgré un léger cheveu sur la langue, d’un homme que l’on a envie d’écouter.
Cela pourrait sonner comme un détail si l’on n’avait vu, Home, le documentaire éco-catastrophique de Yann Arthus-Bertrand où les magnifiques images de la « Terre vue du ciel » sont gâchées par une affreuse voix off. « Il ne reste pas plus de 10 ans à l’humanité pour inverser la tendance. (…) Depuis les origines, l’eau, l’air, la matière, le vivant sont intimement liés. Mais depuis peu, nous brisons ces liens. » C’est à peu près ce que soutient également Pierre Rabhi, en substance.
Mais Arthus Bertrand pèche par orgueil. Il a des ambitions démiurgiques – ce que Rabhi reproche à l’Homme, en général. Son film s’achève sur l’ultime mise en garde du maître : « Comment ce siècle pourra-t-il porter le poids de 9 milliards d’être humains si nous n’acceptons pas de faire enfin les comptes de tout ce dont nous sommes les seuls responsables ? » Le tout récité par cette voix monolithique sur fond d’opérette pour accentuer l’effet dramatique.
Et les tonnes de kérosène déversées dans l’atmosphère pour le bien de la réalisation de ce documentaire, qui en est le seul responsable ? Faites ce que YAB dit, pas ce qu’il fait, on a compris, merci !
DE L’ARDÈCHE AU BURKINA FASO
Pierre Rhabi, lui, fait ce qu’il dit. Il a d’abord testé l’efficacité de ses méthodes sur ses propres terres. Voici 45 ans qu’il cultive sa ferme en Ardèche. L’agro-écologie a permis, au prix de pas mal d’huile de coude, de rendre le sol rocailleux, initialement impropre à la culture, à nouveau fertile.
Et il transmet ce savoir depuis des années aux autres. Au Burkina Faso, par exemple, où le premier centre de formation à l’agro-écologie a été ouvert en 1985 à Gorom-Gorom. Aujourd’hui, ce sont 100 000 paysans burkinabés qui pratiquent l’agro-agriculture. Mais Pierre Rhabi a le triomphe modeste. « Je ne suis pas un maître qui transmet. Je partage une expérience. Aux autres de se la réapproprier » dit-il avant d’ajouter : « je ne suis pas un gourou, j’ai mes limites d’être humain. Je fais 50kg tout mouillés ! Mon expérience est plus importante que moi. » L’homme a de l’humour et de la poésie. Il appuie souvent son propos par de jolies métaphores comme celle-ci : « Mozart disait : « moi, je peux être vulgaire, mais pas ma musique… » Pierre Rabhi est peut-être mortel, ses idées peuvent (doivent) lui survivre.
LE MONDE SE DIVISE EN DEUX CATÉGORIES…
Mais l’on se perd dans les belles phrases de Pierre Rabhi. Pas tant que ça, la vision du bonhomme est toute emprunte de poésie et ces moments de pause pour admirer la beauté des choses font partie de sa philosophie de vie. Mais concentrons-nous un temps sur ses actions. Qu’est-ce donc que l’agro-écologie ? « Une alternative à l’agro-économie » répond Rhabi. « Agro, ça vient de l’agriculture et écolo, de l’environnement » précise-t-il. Cette pratique a été mise en place afin de proposer des solutions à un problème urgent : « la honte de l’Humanité ! Il y a des gens qui ne mangent pas à leur faim alors que les ressources sont suffisantes pour nourrir 11 milliards de personnes. »
Ce problème, considéré comme contingent, Pierre Rabhi a décidé de le prendre à bras le corps. Pour lui, les Hommes ont choisi la pire voie où s’engager, celle de la dualité (religions contre religions, nations contre nations)… Ainsi, comme dans le western – genre qui ne manque pas de duels – Le Bon, La Brute et Le Truand, le monde se divise en deux catégories :
– ceux qui s’enrichissent grâce aux machines (= « ceux qui ont le pistolet chargé » en langage western)
– les laissés pour compte qui essaient de se mettre à niveau (= « ceux qui creusent »)
L’AGRO-ÉCOLOGIE, UNE SYMPHONIE EN QUATRE TEMPS
L’agro-écologie est une « science » à quatre dimensions.
1) La dimension pratique
La pratique de l’agro-écologie se divise en deux temps car il y a, en fait, deux problèmes à gérer selon les régions du globe. Le Nord produit de la nourriture en surabondance mais elle devient toxique à cause de l’agro-économie qui a longtemps proné l’utilisation de la « chimie à gogo » en agriculture. Le Sud, lui, crève la faim. L’agro-écologie a donc pour vocation, à la fois, d’apporter de la nourriture à ceux qui en ont le moins et d’assainir la nourriture de ceux qui en ont trop.
2) La dimension philosophique
L’agro-écologie passe par l’urgence de (ré)conciliation de l’histoire de la nature avec l’histoire de l’humanité. Selon Rhabi, la nature est en train de mettre en place un « plan de déjection de l’humanité » et l’Homme fait tout pour l’y aider. En effet, depuis des lustres, l’Homme se considère comme un être à part, en dehors du vivant. L’agro-écologie entend bien remettre l’Homme à sa place, c’est à dire au milieu du vivant et donc de la réalité.
3) La dimension mystique
Le monde est un mystère. Même pour les scientifiques « qui croient pouvoir objectiver une réalité définitivement subjective ». Exemple : « On peut synthétiser un grain de blé à partir des mêmes atomes et des mêmes chromosomes qu’un grain de blé naturel. Mais pourquoi le grain synthétique ne germe-t-il pas alors que le naturel, si ? Mystère… »
4) La dimension poétique
On peut être angoissé par ce mystère, Pierre Rabhi, lui, préfère être fasciné. « On en revient toujours à cette vieille question : y a-t-il un plan, qu’on l’appelle « divin » ou autrement ? Mais que l’on croie en Dieu ou pas, il y a une intelligence dans la nature. Il y a un plan contenu dans le grain de blé naturel et ce plan est connecté à un plan plus vaste et c’est l’intelligence de la nature qui fait que ce plan entre en action pour faire germer le grain. Et moi, tout ça, ça m’enchante. Il faut que l’humanité réapprenne à s’enchanter. »
HUMUS ET HUMANISME
C’est bien beau tout ça, mais, concrètement, comment ça marche l’agro-écologie ? Ce n’est pas seulement de l’agriculture bio, sans engrais, pesticides et autres produits chimiques et toxiques. Il faut intégrer l’environnement ; savoir se servir de ce que fournit la nature. Comme l’eau de pluie. « Il n’est pas normal que la pluie du ciel soit perdue. Au lieu de la laisser dévaler et tout emporter sur son passage, il faut la freiner. En la freinant, elle va s’infiltrer dans le sol. » Pierre Rabhi a ranimé des puits taris en Afrique rien qu’en freinant l’eau de pluie !
Autre arme de fertilisation massive : l’humus. « Humus, humanité, humilité, humidité, tout ça a la même racine. On ne peut pas vivre sans humus ! » L’humus, c’est de la matière en décomposition et c’est une véritable éponge. Une plante entourée d’humus peut ainsi se créer de grandes réserves d’eau. Pratique pour éviter l’irrigation à tout-va dans les cultures des régions semi-désertiques !
Toutes ces petites choses sont encore plus simples à mettre en place avec la qualité première de l’agro-écologiste : l’humanisme. Pierre Rabhi part lui-même faire voyager ses idées mais il préfèrait rester dans sa ferme. « L’humanité a besoin d’humanitaire parce qu’elle a négligé l’humanisme. » Il raconte qu’en Ardèche, il coupait du bois tout seul et que c’était une tannée. Un jour, il croise un voisin affairé à la même tâche. Il lui propose de travailler à deux et de partager ensuite le bois. Après une journée de dur labeur, alors que Pierre Rabhi contemple le soleil se coucher sur cette longue journée et qu’il s’exclame : « que c’est beau ! » Le voisin lui répond : « Oui, on a coupé au moins dix stères ! »
LA GOUTTE D’EAU QUI…
Écouter Pierre Rabhi injecter un peu d’humour humaniste dans ce monde de brutes est un enchantement. À nous d’agir pour que cet enchantement perdure. Pour que la brutalité ne soit réduite qu’à quelques grammes dans un monde d’humanisme. Et les jours où le découragement nous gagne, repensons à cette belle parabole amérindienne citée fort à propos par notre homme fertile. « Un jour, un incendie ravage la forêt, faisant fuir les animaux. Alors que tous les autres regardaient leur habitat partir en fumée, le colibri, cette oiseau pas plus gros qu’une mouche, ramène une goutte d’eau dans son bec et la laisse tomber sur les flammes. Le tatou, moqueur, lui dit : « tu crois que c’est avec ça que tu vas éteindre le feu ? Non, mais je fais ma part » rétorque le colibri. »
Le « mouvement pour la terre et l’humanisme » créé par Pierre Rabhi en 2008 porte le nom de « Colibris« . Doit-on vraiment jeter une goutte d’huile de plus sur le feu de votre curiosité ?
Marie Gallic
> Site de Colibris, le mouvement pour la terre et l’humanisme
> Voir Home, le documentaire de Yann Arthus-Bertrand
> Le site des éditions Radio France
> Le site des éditions Textuel