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Eclipse (concert dans le noir)

Les 14 et 15 janvier derniers, le duo de non-voyants malien, Amadou & Mariam, donnait un concert dans le noir complet. Deux membres de l’équipe de Lire dans le noir ont assisté à la répétition générale de cette audacieuse expérience.

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Rendez-vous à 21h à La Cité de la musique le vendredi 13 janvier. Le stress est palpable parmi l’équipe qui bloque l’entrée de la grande salle de concert. C’est qu’il s’agit de mettre en place une expérience unique : un concert dans le noir complet !
Outre l’originalité de cette manifestation, c’est un projet qui tient depuis longtemps à cœur au duo de musiciens maliens, Amadou & Mariam. Il faut dire – on l’apprendra au cours du concert – que le couple s’est rencontré dans un institut pour aveugles où Mariam donnait des cours de chant. Le guitariste Amadou faisait déjà des émules avec son jeu virtuose. Leur rencontre débouchera sur une tournée dans tout le Mali avec le groupe Éclipse (qui donne son titre à ce concert dans le noir). Éclipse se donne pour mission de sensibiliser la population au manque d’hygiène qui peut causer une forme de cécité mais, surtout, de montrer que la perte de la vue, c’est pas la fin de la vie. Cela peut être le début d’une nouvelle façon de percevoir le monde.

DERNIÈRES RECOMMANDATIONS AVANT L’EXTINCTION DES FEUX

On y reviendra car Éclipse (concert dans le noir) est l’histoire de leur vie. Pour l’heure (21h30), les portes de la salle de concert s’ouvrent. On nous remet un programme en nous mettant en garde : « ce concert aura lieu dans le noir complet, c’est-à-dire qu’il fera encore plus noir que quand vous fermez les yeux. Toute sortie sera définitive, aussi, veillez à passer aux toilettes avant. En cas de malaise, agitez ce programme au dessus de votre tête, des agents de sécurité munis de lunettes infrarouges viendront vous chercher pour vous conduire hors de la salle… »
Inquiétude dans les rangs des spectateurs. Bizarrement, ce n’est pas l’idée de se trouver mal dans le noir qui les perturbe : « ça me fait peur d’être observé alors que je ne peux pas voir » entend-on çà et là…
Dernière obligation avant de pénétrer l’obscure atmosphère : déposer toutes ses affaires au vestiaire. C’est qu’on nous a promis des variations de température de 15 à 30 degrés. Hé, on part à Bamako !
Délestés de nos manteaux, on entre dans la salle de concert où il fait plutôt frisquet. Une prégnante odeur de fleurs se fait sentir. Nous voici partis, bien calés dans nos fauteuils tout de même, pour un doux matin malien. Ce début d’expérience nous fait penser aux voyages odorants de Des Esseintes, personnage principal du roman À Rebours de Huysmans.

DU BRUIT DANS LE NOIR

Les portes se ferment. Les lumières s’éteignent. Une bande-son chargée de stridulements de cigales, du braiement d’un âne et de bruits de motocyclette dessine le décor de Bamako. La voix du conteur s’installe sur cette bande-son et raconte l’histoire d’un petit garçon qui perd la vue à 15 ans. Soudain, la musique supplante la bande-son. On présume, par le niveau sonore qui augmente, que le groupe est là, sur la scène que l’on ne voit pas. La bande-son reprend ensuite ses droits et le conteur s’intéresse désormais à une petite fille qui a, elle, perdu la vue à l’âge de 5 ans. Retour de la musique.
Ainsi nous est rapportée la « success story » d’Amadou & Mariam, couple de musiciens maliens non-voyants qui a conquis le Mali, l’Afrique et l’Europe avec ses chansons empreintes de positivisme et de bonnes vibrations dansantes. La voix enregistrée du conteur relate. Le groupe joue ses plus grands tubes. Et, nous, on est dans le noir. Timide au début, l’assistance se fait de plus en plus bruyante. Comme si l’obscurité déliait les langues. Il y a fort à parier que si les lumières avaient été allumées, certains n’auraient pas osé crier : « on vous aime ! » ou parlé aussi fort. On a l’impression d’être sur l’agora de Bamako, en plein marché. La vue en moins, on prête beaucoup plus attention au sol qui bouge sous les battements de pieds du public. Mais, finalement, ce n’est pas si différent des coups de pieds dans le siège que l’on ne manque jamais de recevoir au cinéma. Sauf qu’ici, ce n’est pas dérangeant, au contraire, ça meuble le silence du noir environnant.

L’expérience est donc plutôt surprenante et charmante. Seuls petits bémols : on s’attendait à une création totale alors qu’Amadou & Mariam servent les tubes qui ont fait leur renommée – exception faite du dernier morceau joué une fois la lumière rétablie – et le conteur est plutôt faible. On se dit qu’un griot battant le rythme de l’histoire sur son djembé en direct sur scène, aux côtés des musiciens, aurait mieux servi le projet. Mais cette Éclipse est une première et on espère revoir très vite le soleil se cacher  car il y a tant à imaginer autour d’un concert dans le noir…

Marie Gallic

> Site de La Cité de la musique

> Un zest d’Éclipse sur le site d’Amadou & Mariam    


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