Festival VOX 2013, la lecture dans le noir
Samedi 8 juin, Lire dans le noir vous avait donné rendez-vous au Festival VOX pour une lecture dans le noir au Cinéma le Méliès. Cette année, un peu plus de soixante spectateurs ont pris place dans la salle 1 pour une plongée dans l’obscurité guidée par les voix d’Hélène Francisci et Benoit Marchand. Retour sur cette rencontre.
Pour sa seconde édition la lecture dans le noir organisée par Lire dans le noir dans le cadre du Festival VOX ressemble presque à un rendez-vous d’habitués. On y recroise des visages aperçus l’an dernier. En arrivant au Méliès, abrité dans l’atrium du centre Commercial Croix de Chavaux, on éprouve un sentiment familier. Notre cœur est d’autant plus léger que le soleil s’est enfin décidé à se montrer. Autant de bons auspices que Delphine, une adhérente de Lire dans le noir, conforte avant l’entrée dans la salle. « Je me souviens d’une lecture organisée par Lire dans le noir. Daniel Pennac avait lu un extrait du Parfum de Süskind . Il y avait beaucoup de monde dans la salle et j’avais trouvé le résultat renversant. Le public était bouleversé par cette expérience inédite qui leur était proposée. Je pense que tout ce qui peut être fait pour faire connaitre la lecture à voix haute est une bonne chose. On a tous finalement envie et besoin que l’on nous raconte des histoires. »
Une fois dans la salle, Aurélie Kieffer accueille les spectateurs et présente l’association. Ni les textes, ni l’identité des comédiens ne sont dévoilés afin d’entretenir le suspense. En guise de transition vers l’obscurité un film court sur l’enregistrement de La mort du roi Tsongor est projeté. On y voit le comédien Pierre-François Garel lire passionnément un extrait du lauréat du Prix Lire dans le noir 2012 dans la catégorie nouveauté.
La projection terminée, la salle est plongée dans l’obscurité. La voix puissante de Benoit Marchand s’élève. Il lit le tout début de Voix Off de Denis Podalydès qui décrit l’expérience du studio et de la lecture à voix haute. Ce texte nous pousse à imaginer le comédien qui le dit installé quelque part tout près dans une pièce du cinéma.
Il est suivi par un extrait de Terre des hommes de Saint Exupéry. Hélène Francisci donne vie à une errance dans le désert, palpitante dans la lenteur de ce combat pour la survie. Après la soif vient la faim, le narrateur de Paris Insolite de Jean-Paul Clébert arrive aux portes de la capitale. Il parle de la vie dans la rue qui l’attend, du ventre vide qu’il faudra remplir et de sa farouche détermination à tirer un livre de cette expérience qu’il s’impose. Le comédien est maintenant dans la salle et l’attention des spectateurs est intense. Plus tard Benoit marchand me parle de ce texte qu’il a choisi : « Il y a deux ans, Paris Insolite a été réédité accompagné par des photos sublimes. J’en suis tombé amoureux. Dans les années 50, ce livre a failli avoir le Goncourt. J’aime le fait qu’il aborde Paris avec un œil de poète et de vagabond. »
Paris devient ensuite un pays de cocagne avec une extrait du Ventre de Paris d’Emile Zola . Les fruits et les légumes apparaissent sous nos yeux, leur couleur, leur texture, leur odeur. A la sortie de la lecture, Aurélie Kieffer dira au sujet de cet extrait : « Dans le noir, l’évocation de la nourriture est toujours très parlante. »
Benoit Marchand a tout juste le temps de glisser la première phrase d’un poème de Jacques Prévert Les trois allumettes qu’Hélène Francisci est dans la salle. Elle chante Que serais-je sans toi ? d’Aragon . Un texte magnifique sur l’amour qui a été repris par Jean Ferrat. Au moment des questions une spectatrice dira émue : « Pour mon mari et moi, c’était la chanson de notre mariage. »
Suit un passage de Belle du seigneur d’Albert Cohen, l’amour encore. Les comédiens ont quitté la salle. Benoit Marchand lit J’écris sans voir une lettre de Diderot à Sophie Volland. On imagine l’écrivain transi d’amour qui trace ces lignes dans l’obscurité.
La lecture se termine par la fin logique de ce périple Ce que dit la bouche d’ombre un texte de Victor Hugo sur la mort.
La lumière revient doucement et les comédiens entrent dans la salle accueillis par les applaudissements. Interrogée par le public Hélène Francisci explique son attachement à la lecture à voix haute « Cela fait très longtemps que je travaille la lecture à voix haute et notamment au sein de le compagnie des Livreurs. Je pense que je fais du théâtre parce que j’aime les mots, qu’ils soient parlés lus ou chantés. Je fais des lectures en médiathèque et dans plein d’autres lieux. La différence entre le théâtre et la lecture à haute voix, c’est que vous n’avez pas besoin de décors, de costume ou de budget, tout ce dont vous avez besoin c’est d’un pupitre et d’un éclairage. Grâce à cette économie de moyens on peut toucher des endroits ou la culture ne va pas toujours, c’est important. »
Un spectateur commente le déroulement de la lecture « Je trouve intéressant le voyage de la voix dans l’espace, voix proche, voix éloignée, les différents plans, les différents reliefs, voix susurrée, voix clamée. La voix voyage, donc on voyage avec elle. » Certains spectateurs ont préféré quand les comédiens étaient dans la salle, d’autres quand ils étaient au micro. Les problèmes de retour qui ont amené un texte à ne pas être dit sont expliqués.
Une spectatrice pose une question sur le choix des textes qu’elle a trouvé exigeants. Hélène Francisci explique : « Les textes ont été choisis ensemble (Hélène et Benoit) et les uns en fonction des autres. Nous avons recherché une expérience sensorielle, visuelle… on a mis en commun la matière et l’on a essayé de construire une histoire à partir de ça avec des écritures et des rythmes variés. Je constate que très souvent l’écriture classique est très musicale, la langue est aujourd’hui plus concise et chirurgicale. Durant la lecture, on est passé de quelques chose de très vital, la faim, la soif pour finir par la mort. » Benoit Marchand renchérit : « Nous avons recherché la variété des écritures puis nous avons essayé de tracer des lignes. J’aimais l’idée de visiter une ville de manière parallèle. »
A la sortie Julie, une spectatrice en visite du sud de la France, me confie : « C’est ma première lecture dans le noir, et ça m’a plu. Je craignais de m’endormir, de ne pas avoir une attention suffisante. J’ai été surprise du relief que les choses acquéraient. Le visuel a pris le dessus. En fait, c’est comme si la voix de l’autre devenait notre voix intérieure. J’adorais les livres audio dans mon enfance, et jeune maman je faisais des bruitages pendant la lecture à mes enfants. En tant qu’adulte je n’ai pas d’expérience du livre audio mais cela m’a donné envie d’en écouter. »
Les discussions se sont ensuite poursuivies longuement autour du succulent buffet offert par le Festival VOX à quelques pas de la Librairie Folies d’Encre et du stand de Lire dans le noir. A l’année prochaine pour un nouveau Festival VOX !
> Le Festival VOX 2012
> Lire la fiche de lecture de La mort du roi Tsongor