Le Printemps des poètes… audio
« Le livre audio est un très bon vecteur de poésie ».
Le Printemps des Poètes se tient du 7 au 21 mars. Pour sa 13ème édition, Lire dans le noir a eu envie de farfouiller dans l’édition de poèmes audio avec l’aide de son directeur artistique passionné et passionnant, Jean-Pierre Siméon. Entre poèmes chantés, poèmes dits, et poésie en musique, voyage au sein de ce pan méconnu de l’édition audio.
Jean-Pierre Siméon, écoutez-vous beaucoup de livres audio ?
Cela m’arrive, mais pas toujours ; c’est plutôt une question de temps qu’autre chose. Je n’ai pas encore bien la pratique de me mettre des choses à l’oreille. Cela dit, j’ai une petite anecdote : j’ai très souvent écouté des livres audio, notamment quand je faisais du repassage ! J’écoutais du Maupassant par exemple, lu par Madeleine Renaud.
Estimez-vous que l’offre audio en poésie est importante?
Oui, et plus qu’on le pense ! Je trouve que cela se développe à grande vitesse. Prenez les Editions Thélème. qui ont enregistré du Yves Bonnefoy lu par lui-même, c’est magnifique ! Ils ont aussi publié L’oral et Hardi, de Jean-Pierre Verheggen, lu par Jacques Bonnaffé, ou encore un enregistrement de la regrettée Andrée Chedid, Par delà les mots, Territoires du souffle. On a aussi le célèbre Moi, Berthold Brecht, dit par Laurent Terzieff, qui a obtenu le prix Charles Cros ; Charles Juliet dit par Nicole Garcia aux éditions des Femmes ; ou enfin Frémeaux, qui publie une belle anthologie de la poésie française… Gallimard aussi vient de faire un CD des Fleurs du mal. Il y aussi les éditions Alphabet de l’espace, qui font du André Velter ; ou un éditeur, lui-même aveugle, Sous la lime, qui a produit un CD avec une anthologie de poèmes. Certes, la poésie en audio n’a pas encore une place extrêmement importante, mais je trouve que l’offre s’étoffe de plus en plus. D’ailleurs, nous recensons tous ces éditeurs dans notre Poéthèque , sur le site Internet du Printemps des poètes.
Que conseillez-vous à un néophyte qui voudrait se lancer dans l’écoute de poèmes audio ?
Oui, pour tous, je trouve que le CD audio est une très bonne manière d’entrer dans la poésie. Je lui dirai de commencer par le Brecht lu par Laurent Terzieff : c’est superbe !
Quelle différence entre poème lu en silence et poème dit, selon vous ?
Ecouter un poème c’est tout à fait différent : on fait attention au souffle, au rythme, aux sonorités. On est capable d’une plus grande concentration, on est plus attentif aux nuances lorsqu’on lit dans le noir. Mais les deux ne s’opposent pas, ce sont des approches différentes – et complémentaires – de la poésie. Je me souviens avoir écouté des poèmes de Rilke lus par Claude Aufort dans ma voiture pendant quatre fois de suite ! Le livre audio est un très bon vecteur de poésie. J’ai beaucoup prôné l’oralité, je trouve ça donc très bien ! Mais il faut tout de même se souvenir que le poème vient toujours du livre et il y revient toujours, car la lecture silencieuse est inégalable : car on a liberté de choisir son rythme de lecture.
Préférez-vous des habillages sonores sobres ou mis en musique ?
Je plaide pour la sobriété. Pour moi, la musique, lorsqu’elle accompagne un texte, doit être un contrepoint léger, entre des poèmes par exemple, permettant une respiration de l’oreille. Je n’aime pas trop quand musique et texte se superposent. D’un autre côté, on peut aussi faire un vrai travail entre musique et poème, avec parfois une musique créée pour un poème, mais il faut toujours être vigilant : la musique a souvent tendance à prendre le pas sur le texte, qui demande une plus grande attention.
Les poèmes chantés et les poèmes dits s’opposent-ils ?
J’aime beaucoup les poèmes chantés. La chanson est elle aussi un bon vecteur de poésie. Elle fait que la mélodie, les refrains impriment en nous une partie du texte ; elle aide à la mémorisation. Mais la musique doit avant tout être service du texte. Ferré avait très bien réussi à faire cela, d’ailleurs, à ne pas masquer le texte avec la musique… Car je pense que l’écoute du texte est meilleure dans le poème dit. On y entre plus profondément. En tous les cas, les deux n’ont pas la même force de popularisation. Enfin, il y a des poèmes qui ne deviendront jamais des chansons : prenez ceux de René Char par exemple. Mais encore une fois, il ne faut pas les opposer les uns aux autres, car ils sont absolument complémentaires !
Propos recueillis par Johanna Luyssen
Le site Internet du Printemps des Poètes.