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Les Editions Zoé, l’invitation au voyage

Créées en Suisse en 1975, les Éditions Zoé publient en français de la littérature suisse d’origine romande, allemande et italienne, et des auteurs issus du Commonwealth. Cette maison d’édition, qui s’attache à la recherche formelle et demande de ses auteurs une écriture originale et personnelle, propose depuis peu des livres audio. Nous avons échangé avec Caroline Coutau, la Directrice des Éditions  Zoé, sur cette évolution et la ligne éditoriale qui s’y attache.

Logo Editions Zoé
Depuis leur création les Éditions Zoé publiaient des livres papier, comment en êtes vous venus à publier des livres audio ?
Il y a quelques années nous avons décidé d’explorer le livre audio. Nous avons une première collection d’enregistrements issus des archives de la Radio Suisse Romande. C’est une collection d’entretiens de personnalités littéraires : Nicolas Bouvier, Ella Maillard, Alexandra David – Néel, Jean Starobinski… Nous venons de sortir des entretiens de Blaise Cendrars dans cette collection. C’était un premier pas vers l’audio mais ce n’est pas pour autant de la littérature : ce sont des entretiens.

Puis, il y a un an et demi nous avons souhaité valoriser notre fond et le rendre accessible à un public  différent de l’habituel. Nous avons édité à l’audio quatre livres dont nous avions les droits. Notre choix s’est porté sur des ouvrages que l’on aime particulièrement et qui sont importants pour notre catalogue. 

L'AnalphabèteDans cette collection, nous avons publié l’Analphabète d’Agota Kristof. Elle raconte dans ce livre son arrivée en Suisse. Agota Kristof se retrouve complètement analphabète, alors que jusque là son identité même c’était d’être celle qui savait utiliser la langue, qui lisait, qui écrivait. Marthe Keller dit le texte. Dans ce contexte c’était intéressant de faire appel à cette comédienne qui a un très léger accent. On a aussi sorti des extraits choisis des correspondances entre Nicolas Bouvier et Thierry Vernet , et des proses de Robert Walser , un auteur important de notre collection. Enfin des extraits du dernier livre traduit de l’allemand de Matthias Zschokke, un auteur contemporain qui a  reçu le Prix Femina Étranger en 2009 avec un livre paru chez nous.

Pour vous, en quoi le livre audio est-il différent du livre papier ?
Cela m’a intéressé de voir combien la lecture du comédien apporte une couleur et, peut être, un sens différent à une œuvre. Par le ton de sa voix celui qui conte offre déjà une interprétation même si elle est inconsciente. Sa façon de respirer, de dire les phrases permettent de découvrir le texte d’une autre manière que quand on le lit seul. Comme une partition que l’on interprète à notre intention, alors que quand on lit seul on a une espèce de liberté géniale et en même temps on est plus perdu.

L’expérience d’éditrice de livre audio est-elle différente de celle de livre papier ?
J’ai l’impression que dans le livre audio il existe une étape  supplémentaire au niveau du sens. Un côté artisanal qui fait que je me suis aussi retrouvée dans un autre rôle. D’habitude, je discute avec les auteurs de leur manuscrit. Je leur pose des questions. Je leur indique les endroits qui me semblent plus faibles ou que je ne comprends pas bien. Mais là, je me suis retrouvée dans le rôle du metteur en scène. C’était très intéressant.

L'équipe des Editions ZoéCe travail m’a beaucoup plu, mais c’est assez lourd et onéreux à mettre en place. Pour le moment les ventes que l’on a  pu faire ne sont pas du tout à la hauteur des dépenses engagées. Nous sommes en période de réflexion.

Vous vous demandez si vous allez continuer à éditer des livres audio ?
Oui.

Comment est le marché du livre audio en Suisse ?
Le marché  du livre audio suisse est assez semblable au français. Peut être même un peu plus difficile. Les libraires n’ont pas de place prévue pour les CD. Si on est pas Gallimard ou Audiolib avec un petit tourniquet ad-hoc, ils ne savent pas où les placer.

C’est aussi un problème par rapport à la critique. A part quelques médias qui nous sont très fidèles comme le Temps, on n’a pas tellement de critiques. Les livres audio sont des objets non identifiés, et l’on n’aime pas ça.

Je pense qu’il nous faut persister mais le problème c’est que c’est coûteux. C’est plus difficile pour un éditeur suisse de se faire reconnaître en France mais il n’y a en cela pas de grande différence entre l’audio et le papier.

Le marché du livre audio en allemand est-il différent de celui en langue française ?
Il y a une culture de l’oral en Allemagne. Les Allemands sont très sensibles à la musique, peut être qu’ils sont du coup plus mobilisables pour le livre audio. En Suisse-allemande les gens payent pour aller écouter des lectures, alors qu’en France et en Suisse Romande jamais de la vie.

Vous éditez plus particulièrement des écrivains suisses ou ayant vécu en Suisse, est-ce un parti pris ?

Notre catalogue est comme ça. Nous recevons des manuscrits d’écrivains français mais ce sont, en général, ceux qui n’ont pas été retenus par les maisons d’éditions hexagonales. Ils sont souvent moins bons que ceux des écrivains suisses que nous recevons. C’est la seule raison.

Alexandra David-NéélJ’ai remarqué que vous éditez beaucoup d’écrivains voyageurs.
Les écrivains voyageurs sont une des identités forte de notre catalogue avec : Nicolas Bouvier, Ella Maillard, Annemarie Schwarzenbach, et quelques jeunes auteurs. Certains d’entre eux comme Blaise Hoffman et Aude Seigne ont d’ailleurs reçu le Prix Nicolas Bouvier au festival des Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. 

Je pense que le récit de voyage est assez spécifique à la Suisse. Parce qu’à défaut d’être très bon dans la construction complètement imaginaire d’un univers narratif, on est, je pense, très bon dans l’observation de l’autre et de soi chez l’autre. Peut être, parce que le suisse romand est réservé et timide ou à cause de son approche « plus protestante », il se laisse moins aller à son imaginaire. Mais attention, ce sont des généralités.

En Suisse, il y a aussi une propension au voyage, on est dans un petit pays, on étouffe facilement dans ces montagnes et on éprouve le besoin d’aller ailleurs. On a un regard qui est peut être celui du témoin, curieux attentif, sans parti pris, dénué d’un rôle décisif.

Le récit de voyage est adapté au livre audio ?
Le livre audio se prête bien au récit de voyage. Par exemple, je trouve amusant de prendre avec soi un récit de voyage en voiture. Cela dit l’autre jour j’ai écouté une nouvelle de Tolstoï en allant en Italie, c’était formidable.

J’écoutais volontiers des livres audio, même avant de commencer à en publier. Cet étrange état de torpeur que l’on a quand on lit plusieurs heures, j’arrive à le retrouver durant ces voyages en voiture. C’est magique de voir défiler les paysages tout en ayant un paysage dans la tête suscité par les histoires que l’on entend.

Propos recueillis par Pauline Briand 

> Visiter le site des Editions Zoé


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