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Livre audio, livre-CD ? 

De plus en plus d’objets hybrides, à mi-chemin entre le livre et l’objet sonore, entrent dans la catégorie des « livres audio ». Mais le sont-ils vraiment ?   Benoîte Groult Baie déception  Afrique, droit à l'enfance 

 

« Qu’est ce qu’est un livre audio? ». Cette question d’apparence simple, le comité de lecture du prix Lire dans le noir se l’est posée à l’écoute de certains ouvrages préselectionnés. Plusieurs oeuvres atypiques ont en effet retenu notre attention : Baie déception, de Julie Hêtu ; un ouvrage autour de Benoîte Groult, Une femme parmi les siennes, chez Textuel ; ou encore Afrique, le droit à l’enfance, aux Editions du Sablier. Dans ces trois ouvrages, le CD et le livre étaient quasiment indissociables : le livre accompagnant le CD n’était pas un simple livret, ni le CD une simple transcription audio d’un livre. Bref, son et texte se faisaient écho, chacun à leur manière.
Cette hybridation texte/musique/CD, l’édition audio jeunesse la pratique depuis longtemps. Mais chez les adultes le phénomène est récent. C’est bien cela qui a surpris notre comité de lecture. »L’éditeur a fait un travail très intéressant puisqu’il associe au CD un véritable livre », commentait pour nous l’un des membres du comité au sujet de Baie déception. Même chose pour les éditions Textuel, avec ces souvenirs de Benoîte Groult, où le commentaire de Josyane Savigneau est accompagné d’un véritable livre, qui n’est pas la transcription écrite du son, mais bien une oeuvre à part. On peut juger que le cas d’Afrique, droit à l’enfance est différent, puisque c’est un livre pour la jeunesse. Mais son éditeur se lance lui aussi dans le livre audio pour adultes « mixte », notamment avec ces étonnantes Grandes vies minuscules bas-alpines, une découverte de l’histoire des Alpes de Haute-Provence à travers ses archives sonores, des photos et des citations littéraires. La question peut se poser en ces termes : ces livres-CD d’un nouveau genre, sont-ce toujours des livres audio ? « Nous ne pratiquons pas cette distinction, pour nous c’est la même chose, commente Manon Rozier, responsable de la communication au Sablier Editions. Pour cette maison indépendante créée en 1997, édition musicale et livresque sont intimement liés : « On s’appelle le Sablier Editions, et ce « s » du pluriel indique bien que nous sommes à la fois éditeurs de livres et de musique ». Ce mélange des genres a un objectif principal : éclairer l’oeuvre de plusieurs manières différentes, afin de toucher le lecteur par tous les sens : « Sur un même objet, certains enfants seront sensibles à la partie écrite, d’autres à la partie racontée, lue », note Manon Rozier.  Michel Montoyat dirige la partie musicale des Editions du Sablier. Pour lui, la musique n’est pas qu’une simple illustration du texte lu : « C’est une relecture musicale de l’histoire. Considérons qu’elle est partagée par trois voies différentes : le texte lui-même, la musique, et les illustrations. On est davantage dans la création radiophonique et musicale. » Il s’agit de donner toute sa mesure à l’oralité, « une forme d’expression en soi, très différente de l’écrit », poursuit Manon Rozier. Mais le support principal reste l’album ».  studio-enregistrement-le-sablier.jpg  Michel Montoyat à son studio d’enregistrement  Autre cas particulier, celui de Baie Déception. Cet ouvrage a étonné notre comité de lecture, car il s’agit d’une vraie histoire écrite, d’une centaine de pages, à laquelle on adjoint des parties non pas lues à voix haute, mais narrées ; l’un ne peut pas se concevoir sans l’autre. Planète rebelle, maison d’édition québécoise qui publie Baie déception, s’est spécialisée dans la littérature orale, un genre très reconnu au Canada. « Mais avec Baie déception, c’est différent, nous explique sa directrice, Marie-Fleurette Beaudoin. La jeune romancière Julie Hêtu est venue nous voir avec ce projet proche des radios-romans des années 50, l’équivalent québécois de vos dramatiques radiophoniques. Elle a voulu créer un objet sonore et texuel où le texte contextualise, éclaire différemment, et répond au CD. »  Au risque, d’ailleurs, de ne plus toucher de la même façon le lectorat originel du livre audio : les non-voyants. « Ce livre s’adresse… à ceux qui peuvent le lire », objectait un autre membre du comité de lecture au sujet du livre de Benoîte Groult. « En effet, le concept d’un livre accompagné d’un CD où l’on entend la voix de la personne au centre de l’étude est très intéressant. Mais comme le commentaire écrit n’est pas imprimé en braille, l’ensemble de cet ouvrage n’est pas accessible aux mal ou non-voyants ».  

Reste que fort heureusement, tout a changé en à peine une décennie. « Au début des années 2000, le livre-CD ne faisait plus recette et le livre audio était en était encore à ses balbutiements », rappelle Manon Rozier. Aujourd’hui, c’est vrai, il n’est pas une maison d’édition, notamment en jeunesse, qui ne publie régulièrement des livres-CD. Alors qu’ils s’appellent radio-romans, littérature orale, conte sonore ou livre audio, on ne peut que saluer la variété de ces formats. Ils témoignent de l’importante vitalité du secteur. 

 

La fiche-lecture de Baie déception La fiche-lecture d’Afrique, le droit à l’enfance  La fiche-lecture de Benoîte Groult, une femme parmi les siennes

 


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