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Rencontre avec Cécile Palusinski, une activiste du livre audio

Au Salon du livre de Paris, nous avons rencontré Cécile Palusinski auteur, éditrice, spécialiste du livre numérique, organisatrice du Prix de la Plume de Paon. Elle nous a parlé de son rapport au livre audio et de la richesse de vue que lui apportent ses multiples casquettes.

Cécile PalusinskiComment êtes vous venue au livre audio ?
En 2009, l’un de mes premiers livres jeunesse, Garance et le Maître des couleurs, a été enregistré en audio. L’idée est venue d’une des mes amies, comédienne, qui fait les voix pour Arte. Elle a proposé ce projet à l’un de ses amis directeur artistique chez Arte. Ce premier enregistrement s’est fait de manière très informelle. Pour moi cela a été magique de voir mon texte prendre vie, la mise en scène sonore, puis les passerelles qui se sont construites entre la musique, le récit, les voix, les illustrations.

Après l’enfance, j’avais oublié jusqu’à l’existence de ce format que je ne croisais pas en librairie. Voir mon texte mis en voix m’a donné envie de faire découvrir le livre audio au public, mais aussi de faire porter les textes d’autres auteurs par des comédiens. De ce premier titre a découlé la création Des Mots en Soie.

Justement, pourriez vous nous parler de votre maison d’édition : Les mots en soie ?
Nous sommes trois à temps partiel. Je donne des cours sur l’édition numérique. Mon associée, Marie-Françoise Coelho, est voix chez Arte. Nous en sommes encore au stade ou nous développons la structure et où nous essayons de faire diffuser notre collection. Pour l’instant ce sont surtout des investissements qui sont compensés par la richesse de l’aventure humaine.

Les mots en soie n’a pas vraiment de ligne éditoriale. Nous publions des ouvrages au gré des coups de cœur et des rencontres. Nous essayons d’avoir des parti pris intéressants comme pour Le crime de Lord Arthur Savile et autres nouvelles, le livre d’Oscar Wilde, pour lequel nous avons choisi une interprète pour le rôle masculin ce qui, je trouve, permet de révéler des aspects inexplorés du texte. Pour A table, j’ai été inspirée par mes années de travail dans l’art contemporain qui m’ont donné le goût de décloisonner les moyens d’expression et de faire se rencontrer des créateurs. D’où cette idée de proposer à un chef étoilé d’écrire des recettes pour accompagner le récit.  Aujourd’hui nous avons six ouvrages à notre catalogue.

Couverture Cyrano, ma vie dans la sienne En 2012, l’acteur Jacques Weber a été le parrain de notre prix. Il est l’auteur et le lecteur de notre dernière parution  Cyrano, ma vie dans la sienne . Comme pour beaucoup de gens, il était associé dans mon esprit au personnage de Cyrano. J’avais lu son livre, pour moi il était évident qu’à l’oral le texte prendrait une toute autre dimension. Nous nous sommes lancés dans l’aventure. L’enregistrement a été magique. Pendant trois jours, nous avons pu côtoyer cet acteur d’une générosité énorme, l’émotion était intense.

Déjà éditrice et auteure vous organisez le Prix du livre audio de La plume de paon. Pourquoi avez vous ressenti ce besoin ?
Le Prix de la plume de paon a été créé presque en même temps que la maison d’édition. L’expérience que j’ai vécue avec l’enregistrement de mon premier livre m’a fait réaliser que l’on était très peu informé sur le livre audio. J’ai constaté que nous étions peu d’associations à le promouvoir. Il m’a semblé évident qu’un travail de fond devait être fait et que plus nous serions nombreux, plus vite nous avancerions.

Pour vous, comment pourrait-on développer le livre audio ?
Aujourd’hui les libraires s’interrogent sur leur avenir. Finalement le livre audio pourrait leur permettre de révéler des œuvres sous une autre forme et de développer leur clientèle.

Il pourrait aussi y avoir des échanges avec des pays voisins comme l’Allemagne où le livre audio a 7 ou 8% de part de marché et où l’on ne  s’arrête pas à la différence livre audio / livre papier.

J’estime que le livre audio s’est pas mal développé ces dernières années mais nous n’en sommes qu’au début. Les documentalistes des lycées commencent à nous en réclamer. Souvent ils sont un peu démunis parce que les circuits de diffusion sont moins bien identifiés.
Amitié franco allemandePour moi, un travail doit être fait sur la diffusion qui est morcelée. Je ne suis d’ailleurs pas certaine qu’il est si évident de diffuser à la fois livre audio et livre papier, peut être avons nous besoin d’un diffuseur spécialisé. Il nous faut aussi explorer des possibilités de diffusion  à l’étranger dans les  pays francophones et pour l’apprentissage des langues. J’en parlais avec la libraire d’une médiathèque en Allemagne, elle me disait qu’il existe une demande pour des livres audio en français mais qu’ils estiment que l’offre n’est pas suffisante pour l’instant. En effet, ils n’ont pas accès au plus petits éditeurs.

Je travaille actuellement à la diffusion des livres De Mots en soie en Allemagne. Je pense organiser des rencontres transfrontalières pour faciliter la diffusion.

Nous faisons face à un chantier colossal et l’on est peu nombreux. Rien qu’au niveau de l’éducation nationale les livres pourraient être référencés pour le programme scolaire, ce devrait être un réflexe. 

Comment votre connaissance du marché du livre numérique influence-t-elle votre approche du livre audio ?
Dans les deux cas,  la sacralisation du livre papier induit une réticence aux autres manières d’aborder la littérature.

Illustration livre numérique Je pense qu’à un moment donné des pistes vont s’ouvrir d’un côté comme de l’autre. Avec le téléchargement, ce sont des usages d’écoute qui sont en accord avec une évolution des habitudes. Les générations qui sont nées avec un ordinateur dans les mains sont extrêmement sollicitées, finalement est-ce que passer par le téléchargement pour les ramener vers la littérature n’est pas la solution ?

 En Allemagne les médiathèques expérimentent des plateformes de prêts en ligne de livres audio et d’ebooks  qui leur ont amené tout un nouveau public. Avec cette initiative le nombre de téléchargements a augmenté. C’est un gros travail de mise en place puisqu’il faut gérer les questions techniques et de droits d’auteur, mais je pense qu’une fois cette approche structurée le livre audio trouvera son public.

La dimension ludique de ces deux formats déstabilise les clichés traditionnels liés à la lecture. Il y a deux ans les éditions Penguin étaient présentes aux Assises du numérique. Elles avaient présenté des projets expérimentaux comme la possibilité de rencontrer in situ certains personnages d’un livre  dans Londres ou une interactivité entre le lecteur et l’auteur. J’ai trouvé qu’il y avait des choses intéressantes, peut être pas forcement sur le contenu littéraire mais dans le lien entre le lecteur et l’écrivain. Je pense que cette approche pourrait amener certaines personnes vers la lecture. Les jeunes lecteurs sont souvent séduits par l’interaction. Je pense qu’il est important de s’ouvrir à ces pratiques, peu importe l’approche si au bout du compte on revient au texte. Les formats numériques et audio peuvent le permettre.

Au coeur des ténébres

Auriez-vous des livres à nous conseiller ?
J’adore le travail effectué par une maison d’édition récente, Road Book . Ils ont un casting de voix qui s’approche de ce que l’on peut voir au cinéma. Quand on commence un livre, on a plus envie de s’arrêter. Ils choisissent des textes classiques que de nombreux adultes n’ont jamais revisités après l’adolescence. Je vous conseillerais de commencer par Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad.

Propos recueillis par Pauline Briand 

 

 

> Visiter le site des éditions Les mots en soie
> Visiter le site du Prix du livre audio La plume de paon
> Ecouter un extrait de  Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad sur le site de Road Book


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